/// Invisible,, travail invisible///
Article créé´ le 16 septembre 2025, modifié le 28 octobre 2025
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Article illustré prochainement, quand j’aurais eu le temps de trier les photos.
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Les dernières nouvelles apparaissaient souvent sur ce site jusqu’à ce qu’un hébergeur indélicat l’élimine. Ces articles me font maintenant cruellement défaut.
Voici quelques réflexions sur mon travail artisanal, en grande partie invisible, même pour d’authentiques artisans. Cet important travail invisible, n’a pas les moyens d’attirer votre attention, car il est en outre silencieux. Mais, sans lui, il n’y aurait pas de bons résultats.
Je ne vais pas vous parler ici du travail digital que tous nous offrons gratuitement quotidiennement, sans nous plaindre. Ce n’est certes pas un sujet sans intérêt, mais d’autres s’en occupent mieux que moi.
Je vais encore une fois vous parler d’artisanat bien concret, qui recèle cependant une grande part d’invisible mystérieux. Cette partie souvent inconnue du travail de l’artisan mérite cependant que vous lui donniez un temps de votre précieuse attention pour lutter contre votre cécité temporaire (nous sommes tous aveugles aux mondes que nous ne connaissons pas).
Il s’agit donc d’une visite du mode «slow» en artisanat.
80 % de travail invisible
En référence à la fameuse loi de Pareto, qui fait beaucoup de dégats de nos jours, 80% et sans doute plus de mon travail est invisible, ce qui pour beaucoup signifie inutile.
Et pourtant… c’est ce travail invisible qui fait la différence.
Si vous travaillez avec des matières premières toutes prêtes à l’emploi, ou industrielles, d’autres se chargent des travaux invisibles. Et vous ne savez pas toujours dans quelles conditions.
Je m’efforce de connaître les techniques que j’emploie depuis leurs origines. C’est ainsi que j’ai appris à tondre les moutons, pour savoir où est la bonne laine. À cette occasion, j’ai compris la perte de matières premières et le temps nécessaire pour passer d’une laine brute de tonte à une laine filée et retordue apte à n’importe quel tissage.
À défaut d’être inodore, mon travail est généralement silencieux. Même mes métiers à tisser son silencieux.
Formation, recherche invisible
J’accorde beaucoup d’attention à ma formation permanente et à la recherche. 80 % de mes dépenses passent en livres et visites de musées.
Je m’adonne ainsi à de nombreuses heures de lecture pour augmenter mes connaissances professionnelles, mieux comprendre les résultats de mes expériences mais aussi pour avoir une meilleure compréhension des techniques artisanales, de leur histoire…
Temps de conception et création
Avant le tissage, il y a le temps de conception. Mes matières premières peuvent attendre parfois plusieurs années avant de participer à un ouvrage. Je regarde régulièrement mes laines, mes fibres et mes outils, avant qu’une idée concrète ne fasse jour. Cette idée tourne dans ma tête pendant plusieurs jours avant qu’elle prenne forme.
Mes matières premières me coûte beaucoup de temps et de travail, elles deviennent précieuses. La création doit les mettre en valeur. Certaines techniques et certaines fibres ne permettent pas de retour en arrière.
Je dois donc choisir avec précaution entre des milliers de tricots/tissages possibles celui qui pourrait un jour plaire à un client qui m’est encore inconnu, encore faut-il que celui-ci ait les moyens de se payer un tel luxe.
Sélection des matières premières
Si, comme moi, vous travaillez le plus souvent à partir de fibres brutes, vous savez que celles-ci ne sont pas standardisées, cela implique du tri, des pertes de matières premières et bien sûr du temps.
Souvent, les industries refusent simplement les petites quantités, les matières premières hors normes, ce qui inclut les fibres trop sales, les fibres trop courtes, et dans bien des cas les fibres de couleurs. Cela implique un blanchiment des troupeaux.
Dans les Andes précolombiennes, les enfants sacrifiés comme messagers pour les dieux étaient accompagnés de textiles en offrandes de la meilleure qualité possible. Il y avait des tisserandes d’élites (généralement enterrées près des temples) qui étaient spécialisées dès leur enfance pour la fabrication de textiles de première qualité. On pourrait être surpris que la couleur des aplats unis n’est pas aussi régulière… Ce n’est pas dû à un problème de teinture, celle-ci est très saturée et a très bien résisté au temps.
Mais, les camélidés avaient été sélectionnés pour la finesse et la qualité de leur toison, meilleure que celle des animaux d’élevage actuels et non pour la blancheur régulière de celle-ci. Les meilleures fibres animales proviennent des vigognes qui demeurent à l’état sauvage dont le pelage va du beige au blanc. En outre, en teinture, il peut être judicieux d’utiliser des fibres non blanches.
Préparation correcte des matières premières
Il faut d’abord bien les connaître et savoir quels traitements elles ont dû subir avant de tomber entre vos mains.
Nous devrons aussi appliquer des traitements qui varieront selon le type de fibres.
Teindre une pelote
Vous est-il venu à l’idée de teindre une pelote? Dans le cas où la teinture réussirait, combien de temps mettra-t-elle à sécher?
Il vaut donc mieux préparer des écheveaux. Mème, avec de meilleurs outils qu’un dossier de chaise, cela prend du temps. Il faut savoir comment les préparer, sinon ils s’emmêleront.
La seule vue d’un écheveau enlève toute envie de tricoter à certaines personnes.
Retordre le fil
Quand on n’écoute pas un vieil artisan Aymara qui conseille de retordre la laine filée, on s’expose à voir une écharpe s’enrouler sur elle-même quand on la libère du métier à tisser.
C’est le double de temps passé à filer, de plus cela pousse à produire un fil plus fin, ce qui demande plus de patien ce et d’attention pour que le résultat ne soit pas trop épais.
Petits secrets bien gardés
Connaissez-vous cette invisible graisse d’ensimage?
Il s’agit d’un processus discret, mais incontournable, de la filature industrielle. Elles sont indispensables à la lubrification des fibres pour le cardage et la filature et remplacent la lanoline des laines qui est valorisée en produits de beautés…
En général, il s’agit de dérivés du pétrole et leur composition ne nous est pas dévoilée dans les manuels de textiles industriels, même anciens.
Les graisses d’ensimage sont utiles pendant la filature de la fibre et peuvent la rendre plus agréable au toucher. Elles sont, bien sûr, invisibles à l’oeil nu. Elles ne sont pas éliminées après filature.
Les fibres filées industriellement, sont parfois teintes après lavage, en mèches, mais avant cardage et filature. Dans ce cas, les graisses n’interfèrent pas dans le processus de teinture. La teinture, dans ce cas, est pl,us profonde.
Nous, nous allons teindre le résultat final, graisses d’ensimage comprises. Il faut donc les éliminer, car elles nuisent à la qualité de la teinture (qu’elle soit naturelle ou artificielle).
De même, il faudra enlever toutes charges que les industries textiles ajoutent à leurs fibres, notamment pour le coton et la soie.
Mon expérience me dit que beaucoup de marchands de laine n’ont jamais entendu parler de graisses d’ensimage. Combien de teinturiers présents sur les réseaux sociaux en tiennent compte?
Si vous ne lavez pas correctement vos fibres, vos teintures partiront aux premiers lavages. Cette remarque est aussi valable pour les teintures chimiques que pour les teintures naturelles.
Les poumons n’aiment pas les fibres
Les fibres et poussières de filature et de tissage sont presque invisibles. Lors de notre travail, nous les respirons. Elles vont tout droit à nos poumons et n’ont pas l’intention d’y pourrir. Les tisseurs de lin du passé en Normandie avaient leurs métiers à tisser dans des pièces semi-enterrées, donc plus humides pour que ces poussières volent moins. Les archéologues ont découvert de nombreuse fosses à métiers à tisser sur les terrains prévus pour l’aaggrandissement de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle.
Malheureusement, je ne vois pas travailler avec un masque qui m’a laissé de trop mauvais souvenirs et ne laisse pas filtrer l’eau.
Le temps, cet incontournable
Prendre le temps d’écouter
Apprendre à voir l’invisible, c’est aussi apprendre à écouter. En effet, beaucoup de manières de faire s’apprennent au détour d’une conversation. C’est ainsi que j’ai appris que les poils avaient un sens et que les prendre dans le bon sens facilitait la filature.
On me vendait du poil de lapin angora, cela signifie que le vendeur qui était aussi producteur connaissait son produit.
Il nous faut réapprendre à écouter.
Si on élimine cet invisible?
Où s’en va la qualité?
Dans notre monde si pressé, on pourrait être tenté d’éliminer ces efforts couteux… Historiquement, il y a des périodes, où l’alun, principal mordant utilisé pour fixer les teintures naturelles, n’était pas accessible à l’Europe Occidentale. Mais, l’étape invisible du mordançage n’a pas été éliminée pour autant. Car la qualité devait être maintenue et il n’y avait que des teintures naturelles.
Pourquoi devrions-nous nous priver d’une technique éprouvée qui correspond à des réactions chimiques inconnues alors, mais pratiquées inconsciemment depuis l’Antiquité la plus ancienne. En effet, à Sumer, des tablettes donnent déjà les recettes de mordançage à l’alun.
Sans le mordançage, moins de couleurs
Déjà le catalogue des plantes grand teint de Colbert était très restreint. Si on en retranche toutes les plantes autorisées qui nécessitent un mordançage, il ne reste que quelques bruns dans le genre brou de noix.
Que demande-t-on à un produit artisanal?
D’être beau
La frontière entre art et artisanat est très ténue:
- Au Moyen Âge encore, les oeuvres d’art n’étaient pas signées. Par la suite, la signature sera souvent celle du maître de l’atelier.
- Quelle est l’utilité d’un bijou?
- Quelle est la valeur sentimentale d’un objet?
- Pièces uniques, petites séries ou plus grandes séries?
D’être durable
Certaines formes d’art peuvent être éphémères. On demande généralement une certaine durabilité à une pièce d’artisanat. Tradtionellement, on savait que l’artisanat ne tombait pas du ciel et qu’il y avait un artisan derrière qui l’avait conçu et exécuté avec les moyens dont il disposait.
Il y a un curieux paradoxe: on demande à l’artisan de produire des objets plus durables en éliminant des étapes nécessaires à cette durabilité, dans un monde où tout est jetable, parfois même neuf! où il faut se dépécher de vider ses placards pour les remplir à nouveau.
Durabilité signifie temps dédié et connaissances précises et profondes du métier.
Comment enseigner la durabilité à des gens qui demande la rapidité?
D’être agréable
Il doit apporter à son propriétaire du plaisir, par son unicité, son originalité, son supplément d’émotions.
Mais, il doit aussi apporter ses bienfaits à celui qui le crée. Notamment, il doit permettre à l’artisan de vivre décemment et de développer son art. Ce n’est pas parce que l’artisan travaille avec plaisir à ses œuvres que son travail invisible ne doit pas être rémunéré, ce travail invisible est constitutif de ses œuvres. Pourquoi l’artisan devrait-il être bénévole à 80 % et seulement payé 20 % et ce parfois longtemps après? Ne mange-t-il pas tous les jours?
S’il n’y prend plus de plaisir et que ce n’est pas rentable, il est fort problable qu’il change d’activité.
Que dois-je proposer dans mes formations?
Outre le visible que tout formateur propose, j’insiste donc sur la pratique de la partie invisible qui est le support d’un résultat durable. Cela n’est pas un effet de la mode «slow«, ni une forme de perfectionisme qui pourrait sembler mal placé.
Lavage et séchage
La manière et le temps de mouillage, lavages et séchages sont incontournables. Je profite de ces temps apparemment morts pour approfondir des détails techniques e parfois théoriques.
Mordançage, invisible mais nécessaire
Je viens de commenter l’importance de cette étape invisible de la teinture. Il serait inconvenant, malhonnête et inconcevable de ma part de ne pas vous l’enseigner.
Je me permettrai d’ajouter, il faut un peu d’ordre lors du mordançage, celui-ci étant invisible. Il n’est pas superflu de prévoir un petit étiquetage. Cela peut éviter des confusions et de mauvaises surprises.
Le partage est aussi invisible
Le temps de partage est aussi nécessaire et il ne doit pas être négligé. Partage ne signifie pas acceptation tacite de la nouveauté, de la découverte. Il doit y avoir discussion et réflexion fructueuse.
Les apports d’un partage n’aboutissent pas immédiatement à un progrès. Mais, l’absence de partage pour éviter tout conflit n’est pas productif et conduit à s’enfermer dans un pratique identique en boucle sur soi-même.
Ce partage peut aboutir à l’amélioration de ses outils ou à la création de nouveaux.
Le partage nécessite une réciprocité qui s’installe parfois naturellement, mais devient rare dans un monde l’on pense ne pas avoir besoin de son voisin.
Invisible et parfois sale
Que diriez-vous d’un bijoutier qui ne polirait pas ses pièces sous prétexte que c’est sale? Le travail des métaux génère beaucoup de saletés, parfois invisibles comme des gaz toxiques. Tous les métiers artisanaux ont des étapes sales et parfois dangereuses pour la santé.
Même ce qui semble un simple vernis bien fait suppose des temps de polissages, de vernissages et de séchages successifs.
Les industries mettent une distance entre vous et la saleté, mais celle-ci ne disparaît pas par enchantement.
L’invisible s’accumule
Comme la poussière lors du filage et du tissage, les temps invisibles s’accumulent mais ne sont pas inutiles. Les poussières et déchets d’ouvrages en fibres naturelles seront appréciées par les plantes de votre jardin.
Conclusion
En outre, le temps passé à la rédaction de cet article semble lui aussi invisible. Combien de photos prises, sauvegardées et triées sur disque. Combien d’information recherchée, bien plus loin que sur les réseaux sociaux immédiats qui n’offrent que de pauvres raccourcis aux jambes courtes, comme le mensonge du proverbe macédonien-
«Le mensonge a les jambes courtes«
Cet article n’est pas du story telling, il fonde ma réalité.