/// Ortie et houblon, fibres anciennes /// Article créé le 23 septembre 2022, dernière mise à jour le 29 septembre 2022 Je suis en Europe depuis le 10 mai 2022 – Retour au Chili le 11 novembre – Beaucoup de nouveautés Organisons donc des ateliers! C’est facile +33 7 69 905 352 ou +56 9 764 449 78 (whatsapp, telegram et signal) – publicobre2000@yahoo.es Plusieurs nouveaux articles sont en cours de rédaction et seront bientôt publiés.
Il y a quelques années, j’avais déjà fait des expériences avec les orties, elles m’ont même menée jusqu’à Gletterens il y a 3 ans. J’y suis de retour cette année et j’en profite pour faire de nouveaux essais.La sécheresse et la canicule qui interdisaient les feux m’y ont aidée. Dans cet article, je résumerai un été d’expériences à Gletterens dont le travail de l’ortie a été a été l’exercice quotidien.
Retour à Gletterens
Le cours prévu à Zonca n’ayant malheureusement pas eu lieu, je suis arrivée à Gletterens plus tôt que prévu.
Cela m’a permis de faire de nombreuses expériences, seulement réalisables avec du temps et de la patience, ce qui est le cas du travail des fibres d’orties et des teintures solaires. Ces innovations agrémenteront mon été.
Difficile de teindre sans feu
L’été passé avait sous le signe de la pluie quasi permanente, cet été ce sera la canicule.
L’interdiction d’allumer des feux en extérieur a été proclamée courant juillet dans presque tous les cantons suisses, notamment dans celui dont dépend Gletterens.
C’est vrai que les haies avaient vraiment très mauvaise mine et des arbres adultes comme des bouleaux et des charmes avaient déjà perdu leurs feuilles à la mi-juillet.
Il y a toujours moyen de contourner les règles, mes feux pour teindre ne sont pas en extérieur, mais mieux vaut éviter des discussions inutiles…
Je me suis donc tournée vers une série de tests de teinture solaire, l’indigo et les expériences sur les fibres d’ortie et de houblon, qui avaient été largement utilisées pendant la préhistoire.
Les rares fois que j’ai pu allumer un feu, j’ai pu teindre les raphias pour le Village Lacustre qui avait trempé beaucoup plus longtemps que prévu et a mieux pris les teintures que l’an dernier.
Pratiquement tous les bains ont largement eu le temps de fermenter et d’infuser, ce qui a certainement influencé la teinture.
Le processus de teinture a encore été encore plus ralenti, les fibres ont macéré plus longtemps et les résultats semblent meilleurs. Seuls les récipients manquaient pour plus de teintures.
Et, tous les jours, je fais de nouvelles expériences avec les orties. Heureusement, cette matière première ne manque pas…
Teinture solaire
J’avais même envisagé de monter une cuisine solaire en utilisant des élements récupérés à la déchetterie: vieux four électrique, grilles et papier d’aluminium… Cependant, cela n’aurait pas été archéocompatible. Mes casseroles, déjà ne le sont pas. Mais, cela devrait être en partie réglé l’an prochain lors d’une semaine d’expérimentation en céramique néolythique du 16 au 23 juillet 2023, puis lors du prochain Rassemblement Préhistorique du 30 juillet au 6 août 2023 au Village Lacustre de Gletterens.
J’espère pouvoir répéter cette expérience dans des pots en terre.
J’espère aussi tester ces teintures solaires en les plongeant alternativement dans des bains acides et des bains alcalins ou basiques.
Indigo
Comme, j’avais du temps entre chaque épluchage d’ortie, je poursuivais les expériences de teinture.
L’indigo est une teinture à froid. Quelle chance! et le raphia que j’avais teint en vert par l’indigo avait plut à mes amis de Gletterens. C’était donc l’occasion de recommencer.
D’autant plus que l’indigo est une teinture intéressante en démonstration, notamment avec son passage du jaune-verdâtre au bleu.
Nous avons aussi monté une deuxième cuve d’indigo avec les enfants qui participaient au Rassemblement Préhistorique.
Grosse opération mordançage
Ne pouvant pas faire souvent du feu, je décide de faire une grande casserole de mordançage à l’alun et des tests de mordançage au lait de vache et au lait d’amande (je n’ai pas trouvé de lait de soja au supermarché du coin, ce qui aurait été plus économique).
Ces mordançages alternatifs sont parfois conseillés, notamment pour les fibres végétales. Lors des tests de teinture, je n’ai pas vu de différence dans les résultats. L’intérêt est que ce mordançage est libre d’aluminium.
Petit feu dans la maison longue pour préparer le mordançage, j’en profiterai pour faire défiler les autres casseroles.
j’avais préparé tout un cône de coton, il a ét´é mordancé en compagnie de laine, et de lin…
Je prépare aussi une petite soupe clous (acétate de fer, pour les chimistes) avec du vinaigre et de la ferraille trouvée à la déchetterie.
Cette soupe de clou interviendra dans de nombreux tests.
Tissage et nailbinding
Bandes
Le système avec attache à la ceinture me donne mal au dos
J’ai testé un petit que j’avais ramené du chili pour tisser des bandes.
Nailbinding
J’ai continué avec à m’entraîner à la lente mais préhistorique technique du nailbinding/anillado. Un long travail à l’aiguille présent un peu partout dans le monde. On le trouve aussi bien en Égypte que dans la culture Tiwanaku qui a rayonné autour du Lac Titicaca, que chez les Viking (en Scandinavie cette technique est encore vivante) ou dans des frondes de Nouvelle Guinée…
Je viens de suivre un cours du Musée d’Arts Précolombiens de Santiago du Chili pour apprendre à tisser les bonnets à 4 pointes bicolores Tiwanaku.
J’ai fait plus simple et moins serré, cela m’a tout de même pris environ 50 heures.
Cette technique peut avoir beaucoup d’applications.
Sprang
J’aussi préparé une petite chaîne de sprang sur le métier fabriqué à cet effet l’an dernier.
Dans une autre video de Sally Pointer, je découvre un autre petit métier à sprang.
Avec l’aide de Tania, nous en construisons un avec une branche de noisetier.
J’apprendrais les bases de cette fantastique technique lors des Rencontres Braids 2022, à Svendborg, Danemark. Je vous en parlerai dans un prochain article.
Colliers
Pour tester les différentes matières tinctoriales et les différentes fibres, j’ai tricoté presque tous les jours des colliers avec des perles en bois à répartir dans les différentes casseroles de teinture.
À raison d’environ 20 minutes par collier, je me suis vite constitué une gamme de test de couleurs et de matières premières.
Rassemblement préhistorique
Le Rassemblement Préhistorique sera l’occasion de revoir des amis et de partager avec eux des premiers résultats sur les fibre d’ortie et de lancer d’autres expériences.
Tanneurs
Les tanneurs ont préparé une nouvelle peau de bison à la cervelle. Dominique Pflieger avait ramené des objets fabriqués avec la peau de l’an dernier.
Il m’a donné un morceau de cuir plus souple, travaillé avec cette technique, pour que je puisse éplucher mes fibres d’ortie sur mes genoux sans me mouiller les jambes. En outre les fines fibres ressortaient mieux sur un fonds sombre que sur une toile bllanche.
Nous avons eu aussi la visite d’autres spécialistes venant d’un musée français. Il étaient bien équipés.
Avant le Rassemblement préhistorique, j’ai fait une petite virée dans les boutiques spécialistes des fibres de l’Emmenthal.
J’en suis revenu avec du fil de lin (archócompatible), de la ramie, de la soie (pour les colliers) et une belle collection de livres.
Notamment, j’ai trouvé un livre sur les teintures naturelles, en allemand. Il proposait de faire des ecoprint sur du ciment.
J’ai testé sur des galets, des bouts de bois avec des résultats plutôt mitigés.
Puis, nous avons fait un petit test avec un pendentif en os de Tania.
Dommage, mais la feuille avait un peu bougé,
Mais, j’avais demandé à Éric, l’ami d’Archeoshop, de me ramener de gros os pour le Rassemblement Préhistorique.
Nous les avons donc testés.
Les os embobinés sont partis dans différentes casseroles de teinture naturelle.
Le déballage a encore eu lieu avec la participation des enfants.
Marbrures au naturel
Ce même livre allemand donnait aussi quelques informations sur les papiers marbrés, sujet qui m’intéresse depuis longtemps.
Une spécialiste de la reliure de livres était aussi présente au Rassemblement Préhistorique. Nous en parlâmes. La technique indiquée ne lui semblait pas être la meilleure.
Nous voulions tester une autre recette, mais celle-ci nécessitait du fiel de boeuf. Nous n’avons pas réussi à nous procurer ce produit sans additifs, et ceux-ci auraient pu perturber le résultat.
Ce sera pour une prochaine fois.
Enfin, retour vers l’ortie
Après tous ces détours, j’en arrive enfin à ce que j’ai annoncé: mes expériences avec les orties.
Le travail de l’ortie aura été quotidien cet été à Gletterens. Les fibres d’ortie sont vraiment très belles.
L’ortie, mais aussi le houblon
Il y avait au Village Lacustre, quelques pieds de houblon peu trop exubérant dans une haie qui avaient une facheuse tendance à étouffer quelques pieds de saules.
C’était l’occasion de tester une autre sorte de fibre. Je mènerai donc les deux expériences en parallèle.
Comment faire avec l’ortie?
Comment est composée une ortie
Une tige d’ortie comporte une tige en lignine (du bois) au centre, très cassant. Autour, il y a de fines fibres blanches de cellulose qu’il faut séparer de l’écorce verte. À ce stade, les orties bien qu’encore fraîches ne piquent plus.
Les livres sur l’ortie
J’ai consulté de nombreux livres sur les orties, maintenant je sais comment les manger, me soigner avec et en faire du purin. Je parle de tout cela dans un précédent article. Tout est bon dans l’ortie, depuis la racine à la graine…
Avec un peu de chance, on découvre au détour d’une page qu’on en tirait des fibres filées et souvent tissées d’une très grande solidité. En effet, on faisait des cordes d’arc en ortie, de la vannerie, même des voiles de bateaux, des draps, des vêtements ainsi que des sous-vêtements, au moins jusqu’au Moyen-Âge et parfois encore au XIXème siècle dans certaines régions du monde…
Avec la mécanisation des processus de traitement l’ortie est devenue invisible devant le chanvre et lin.
Ces plantes n’ont pas de noeuds et sont beaucoup plus faciles à travailler et donnant de plus longues fibres.
Mais, pas un mot sur l’obtention de ces fibres. Ce silence m’intrigue.
Les video sur la fibre d’ortie
Sur Youtube, il y a de nombreuses video, surtout anglosaxonnes sur la préparation des fibres d’ortie. Mais, il y en a pas qui aille jusqu’au bout. Comme dans la grande majorité des tutoriels, il manque toujours une étape cruciale,, un petit détail qui rend possible l’obtention d’un produit correct.
Le produit obtenu est une fibre d’ortie verdâtre, avec encore beaucoup d’écorce rugueuse et désagréable au toucher et encore plus à filer L’ortie ne pique plus depuis longtemps, mais les déchets d’écorce qui adhèrent encore aux fibres de cellulose ne donnent pas un produit très flatteur.
La couleur verte que certains apprécie disparaît très vite, c’est la chlorophylle qui se décompose rapidement à la lumière.
Il semblerait aussi, qu’ils utilisent un autre espèce d’ortie qui mesure plus de 3 mètres!
Une video, ou plutôt une série de video a cependant retenu toute mon attention, il s’agit de celles de Sally Pointer qui en outre fait de la reconstitution archéologique. Et j’y revient maintenant que je rédige cet article. Elle est accompagnée d’un article très intéressant que l’on peut télécharger gratuitement. Je vous le recommande. Puis, pour la première fois, je me donne la peine de lire les commentaires. Cela m’a pris plusieurs heures.
En laissant de côté, toutes les remarques concernant le fait que les orties piquent, et pour une fois, il s’agit d’ortie normale et les commentaires concernant un petit chat apparemment charmant que je n’avais pas remarqué, on peut découvrir des questions très intéressantes auxquelles l’auteur de la video répond très souvent en apportant des détails supplémentaires utiles.
Et le houblon?
Je n’ai pas trouvé d’ortie sèche, rouie par l’hiver passé, on était déjà en juillet, certainement un peu tard. Mais, le houblon présentait encore les deux étapes.
Sec ou frais
Pour le houblon, j’avais le choix entre les tiges mortes de l’an passé et les nouvelles qui étaient vertes. J’ai donc testé les deux.
Dans les deux cas, j’ai mis les tiges enroulées à tremper dans le bac des orties, ainsi que les fibres martelées ou grattées antérieurement comme dans les video.
Comme pour les orties, je les surveillaient. Je n’ai fait qu’une seule récolte dans une haie.
Quand les fibres et l’écorce étaient prêtes, elles se défaisaient facilement du bois de la tige qui était assez cassant et ne pouvait donc pas être utilisé en vannerie.
Puis, il fallait éliminer les écorces, par une longue série de séchage, frottage, martelage, trempage. Les fibres s’éclaircissent et s’adoucissent petit à petit au fur et à mesure que les déchets d’écorces s’en séparent. C’est long et r´épétitif avant d’obtenir des fibres que l’on peut filer au fuseau.
Cette technique est donc une technique de rouissage comme traditionnellement pour le chanvre et le lin.
Mais, selon Sally Pointer, des traces de micro-rayures observées sur les pièces archéologiques indiquent l’usage de gratttoirs.
Ce sera une nouvelle expérience à faire l’an prochain.
La ramie, cousine de l’ortie
La ramie est une fibre blanche, brillante et soyeuse qui provient d’une espèce d’ortie sud-est asiatique qui ne pique pas, ces fibres sont assez longues et peuvent être filées aussi bien au rouet qu’au fuseau. Tous mes amis tireurs à l’arc en ont reçu une petite bobine, j’en aurai certainement des nouvelle l’an prochain.
J’ai essayé de filer ces fibres aussi bien sèches qu’humides. Il semblerait que l’humidification rendrait l’opération un peu plus facile.
Tout oublier et tester l’ortie
On m’avait beaucoup insisté qu’il ne fallait pas faire rouir l’ortie trop longtemps et qu’il fallait bien la surveiller…
Après visionnage de nombreuses video et un certain nombre de test en martelant ou piétinant plus ou moins, en surveillant le rouissage… J’ai décidé de n’en faire qu’à ma tête.
J’ai donc arrêté de piétiner, de gratter avec un couteau.
J’effeuillais les orties que je ramassais par douzaine chaque jour et je les mettais à tremper dans un bac d’eau que je surveillais tout de même chaque matin.
Plus d’une fois, j’ai dû renouveler l’eau car des moustiques y avaient pondu leurs oeufs et des larves en forme de petits se tortillaient dans mon bac. Les moustiques manquaient de zones humides où pondre, j’ai trouvé ces petits clous agités jusque dans un pot contenant de la lessive de cendres.
Petit détail, mon bac de rouissage était noir et concentrait donc la chaleur.
Quand l’écorce de l’ortie se ramollissait et commençait à pourrir, je sortait les orties et je grattais les tiges avec l’ongle, de belles fibres blanches apparaissaient. Si elles ne se libéraient pas assez facilement de l’écorce verte, je le remettais à tremper. Je les retravaillais le jour suivant.
J’en avais aussi mises à rouir dans le petit fossé où se vide la fontaine.
J’ai donc fini par opter pour la technique moderne sans le savoir. Mes fibres étaient plus blanches, plus douces, mais aussi plus courtes.
En effet, le rouissage élimine les pectines et d’autres substances qui unissent encore les fibres entre elles dans la méthode par grattage préhistorique.
Nettoyage de la fibre d’ortie et de houblon
Rinçage à l’eau
Après chaque séchage, après martèlement, je fais tomber le maximum de poussières. Puis, je rince et je remets à sécher. Et des déchets, il en tombe toujours.
Bouillir avec des cendres
Après avoir visionné une video où l’on traitait les fibres avec un shampoing très spécial, mais certainement basique puis avec un bain acide, je décide de faire un test archéocompatible avec un petit peu de fibres mises à bouillir avec de la cendres.
Rinçage au vinaigre
Puis je les ai rincées, et enfin je les ai fait tremper dans un peu de vinaigre et à nouveau rincées.
Dernier rinçage à l’eau
Après ce dernier rinçage à l’eau, mes fibres étaient beaucoup plus propres et douces. Il ne manquait plus que le cardage.
Finition de la fibre d’ortie et de houblon
Séchage
Heureusement qu’il faisait chaud. Tous les jours, je remettais à sécher mes fibres et ensuite je les secouais pour faire tomber les restes d’écorces récalcitrants. J’ai fait ces opérations depuis le début des tests et je l’ai poursuivi jusqu’au filage.
Cardage
Après tous ces traitements, mes fibres étaient plutôt en désordre et emmêlées, ce qui les rendaient difficiles à filer.
J’ai profité de mon retour au Festival Yelen à Baulmes pour utiliser les cardes que m’avait prêtées Camille pour carder mes fibres d’ortie et de houblon en démonstration pour les enfants.
Filage
Le but de toutes ces opérations était bien sûr d’obtenir un fil.
Je vais donc tester le filage de ces deux types de fibres.
En ce qui concerne le houblon, j’ai préféré le travail avec des tiges sèche de l’an dernier, mais elles sont plus grossières que les fibres d’ortie. Comme elles sont un peu plus longues, elles sont un peu plus faciles à filer.
Conclusion
Avec un peu, beaucoup de patience, on peut vraiment tirer parti, de ces plantes qui sont souvent assez mal vues.
A chaque fois, que je ramassais et effeuillais les orties, je le faisais à main nue. Donc, elles me piquaient un peu, mais la nuit, je dormais mieux.
L’an prochain, j’aimerai tester certaines plantes comme la mauve et les roses trémières connues pour avoir des fibres. L’idéal serait de les récolter rouies naturellement après l’hiver. La difficulté est d’en trouver en quantité suffisante.
Les documents américains mentionnent le milkweed (qui semble être toxique), je ne l’ai pas encore rencontrée.
Je voudrai aussi tester des plantes à tiges dures à couper telles que la chicorée sauvage et le rumex, courants à Gletterens.
/// Filer comme au temps jadis? /// Article créé le 10 mai 2021 —- Mis à jour le 29 octobre 2024
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Filer comme nos ancêtres, j’en suis encore loin. La finesse de leur travail m’impressionne toujours. Les vieilles habitudes de nos aïeux ont beaucoup à nous enseigner. Après plus de 15 ans de pratique, de patience et de nombreux voyages, il me semble que j’ai accumulé assez d’expériences pour pouvoir en partager. De nouveaux essais ne tarderont pas à arriver.
Pourquoi filer?
Quand on a des moutons, ce n’est pas encore mon cas, on doit les tondre au moins une fois l’an, parfois deux.
Les camélidés se tondent soit tous les ans ou mieux tous les deux ans pour un poil plus long.
En effet, ils ont trop chaud en été et la laine a tendance à se feutrer, se salir et se brûler au soleil. Cela la rend plus difficilement exploitable.
Contrairement à certaines légendes urbaines, les animaux ne meurent pas des suites de la tonte. Les moutons à laine ont été sélectionnés depuis des siècles pour qu’ils ne perdent plus leur laine à chaque printemps, puis selon différentes qualités de laine, en fonction du climat, de la finesse désirée, de leur brillance, de la façon dont elles absorbent la teinture… En effet, certaines laines se teignent mieux que d’autres.
Il vaut mieux les tondre avant la montée en graine des plantes qu’ils pâturent. En effet, certaines graines s’incrustent dans les toisons, cela ralentit la filature. D’autres graines peuvent être très piquantes lors du nettoyage de la toison et peuvent même blesser les doigts lors de la filature. De plus, elles doivent irriter les moutons.
Il n’y a pas que la laine de mouton que l’on peut filer. Tous les poils longs et souples peuvent être exploités.
Certaines plantes de nos jardins telles que les orties, les mauves, les roses trémières peuvent fournir des fibres intéressantes.
Le liber de certains arbres étaient exploités de la Préhistoire au Moyen-Âge, tel celui du tilleul, du chêne, de l’aulne…
La filature de la laine n’est bien sûr pas obligatoire, on peut la crocheter seulement cardée, on peut la feutrer…
Mais une laine filée, prête à l’emploi ouvre de plus vastes champs à l’imagination,
Comment commencer à filer?
Il ne faut pas avoir peur, ce n’est pas difficile, beaucoup de gens ont appris quand ils étaient enfants. Moi,j’ai commencé à l’âge de 45 ans. Il suffit d’en avoir envie.
Chacun à sa main, comme pour la cuisine, il suffit d’y prendre goût. A Puerto Montt, les fileuses qui travaillent pour mon ami de Rincón de Angel reconnaissent leur laine parmi des dizaines d’autres pourtant apparemment très semblables.
C’est tellement agréable de travailler avec son propre fil…
Quelles fibres choisir?
Il y a beaucoup à dire sur les différentes fibres bien connues, ou parfois oubliées. J’ai déjà consacré un article aux fibres. Je vais d’ailleurs le compléter prochainement.
Dans celui-ci, je vais me concentrer sur la laine. On pourrait y consacrer des centaines d’articles.
Laver la laine ou pas avant?
Dans cet article, je vais beaucoup commenter un documentaire de Youtube, du Museo Las Lilas de Areco, en Argentine qui donnent de précieuses informations. Pour ceux qui ne comprennent pas l’espagnol, je vais traduire l’essentiel des commentaires.
Cela ne vous dispense pas de le regarder, car vers la 30ème minute, il fait une démonstration surprenante de sa méthode de lavage de la laine qui doit être compréhensible même si on ne parle pas espagnol.
Carder ou peigner avant de filer
Peigner la laine
Pour cela, il faut des fibres longues. Le résultat doit être bien sûr meilleur. Je ne l’ai pas encore fait.
Il faudrait peut-être que j’aille faire un tour chez les spécialistes, en Angleterre.
Carder à la main
C’est le plus simple. Nous rêvons tous de voir tomber les poussières, brindilles et autres déchets partir comme par miracle. Mais, il est difficile de passer outre ce travail.
Nous avons deux options.
Ma pratique habituelle, sans outils
J’étire simplement la laine en arrachant ce qui gênerait à la filature. J’enroule cette mèche dite de carde assez grossière sur une main. Quand j’ai une assez grosse boule, je la reprends en l’étirant et en l’enroulant de nouveau jusqu’à obtenir une mèche de la grosseur souhaitée, la plus régulière et propre possible.
À chaque passage, des déchets tombent, la laine s’aligne mieux et se tord légèrement ce qui aide à la filature.
Quand on a obtenu la grosseur désirée de la mèche de carde, on l’enroule de nouveau, mais autour de la main ouverte, de façon à pouvoir passer le rouleau autour du poignet.
Cela peut être fait aussi bien avec de la laine propre que sale.
Carder à la main ne veut pas dire que le résultat ne peut pas prétendre obtenir des fils de qualité, même en partant de laine brute.
Avec planches à carder
Cela me semble plus fatigant, la laine doit être plutôt propre, sinon les planches à carder se salissent très vite, cela devient contre-productif.
On trouve sur le marché d’Otavalo (Équateur) ou sur internet des planches à carder, telles qu’on les voit sur les sites américains.
C’est très fatigant, cela ne permet donc pas de préparer de grandes quantités de laine, encore moins de laine sale.
Si vous avez envie de faire l’essai à moindre coût, vous pouvez vous procurer au supermarché deux brosses à chiens, mieux vaut choisir le plus grand modèle.
Attention
On appelle aussi cardes des planches de ce style, ou avec des cardères. Mais ces planches servent à soulever le poil de toiles et leur donner une impresssion de velour…
Il y a eu aussi des machines industrielles dans le même but, équipées de fleurs de cardères. Ceux-ci étaient cultivés à cet effet.
Cardage à la machine
Cardeuse manuelle
J’ai eu l’occasion de tester des cardeuse manuelles. Elles sont certainement très pratiques pour carder des poils de camélidés qui ont très peu de graisse, de lanoline et dont les impuretés tombent facilement. Mais, cela se garde très bien à la main aussi.
À l’instar des machines à carder industrielles, machines à carder habituelles (qu’elles soient électriques ou manuelles) ont des picots métalliques très courts (environ 1 cm). D’après mon expérience, cela n’est pas suffisant pour démêler les laines de mouton lavées qui ont souvent un peu feutré.
Attention! Il ne faut pas passer de laine de mouton sale.
En fin de compte, ce sont des machines pour mélanger de couleurs d’alpaga ou des rubans de tops. Elles sont plutôt orientée pour une filature artistique.
Il ne faut pas oublier que ces machines sont manuelles et il faut tourner la manivelle, plus la machine est grande, plus c’est lourd. Les machines de 20 cm de large sont suffisantes.
Cardeuse de tapissier
J’ai eu l’occasion d’en essayer une, quand j’étais chez Biolab Maraîchage.
Il en existe une variante moins encombrante et encore moins efficace. Je l’ai aussi testée à Calama, au Nord du Chili. C’est une fausse bonne idée.
Il s’agit d’une caisse en bois peu profonde dont le fond est tapissé de clous de 4 ou 5 cm de hauteur, séparés de 4 cm chacun. Un couvercle lui aussi hérissé de clous décalés par rapport à ceux du fond de la caisse coulisse en étirant les mèches de laine.
Ces appareils ont pour défaut de ne pas aligner les fibres et surtout de casser les plus fragiles. Ce n’est pas grave pour un matelas, mais c’est dommage pour la filature.
Cardeuse électrique
Chez «Rincón de Angel», nous en avons eu une grande, de 60 cm de large.
Les limites sont les mêmes que pour les cardeuses à tambours décrites plus haut. Elles se bloquent très facilement.
L’intérêt est qu’on obtenait de grandes planches (60 cm x 60 cm) prêtes à feutrer
Nous en avons eu une à la vente, de 20 cm de large, plus efficace, elle avait de plus grands picots, un peu plus espacés.
Pour toutes ces machines à tambour, il faut faire attention avec ses doigts.
D’autre part, il faut éviter à tout prix que la laine aille s’enrouler autour des axes, sur les côtés des tambours. C’est difficile à enlever et cela bloque aussi la machine.
Je vous conseille, si possible, de travailler ces machines avec un masque. Ce n’est pas à cause d’un certain virus trop publicitaire, mais parce que ce travail génère beaucoup, énormément de poussières et de petites fibres qui vont irriter les poumons qui ne peuvent pas les éliminer. Évitons donc des maladies professionnelles non reconnues et dont on se préoccupe moins que de ce fameux virus.
Astuce «viking»
La cardeuse électrique ne donnant pas vraiment satisfaction. Nous avons fabriqué un appareil inspiré des peignes à carder viking.
Il s’agit en fait deux planches avec des clous de 4 cm tous les 3 cm.
La planche du bas était fixée à un pilier, l’autre munie d’une sorte de poignée glissait dessus en étirant les fibres.
C’était fatigant, mais efficace, beaucoup mieux que les planches équatoriennes ou nord américaines et plus économique.
Une fois ainsi préparée, la laine passait beaucoup mieux dans la cardeuse électrique qui alignait encore mieux les fibres.
Filer sec
Filer la laine sèche vous paraît sans doute logique.
Avec de la laine sale, il n’y a pas de difficulté, la lanoline la lubrifie.
Si vous filer du tops, il est aussi lubrifié industriellement, avec des huiles d’ensimage, qu’il faudra penser à éliminer par un bon lavage avant teinture.
Dans le cas oùla laine serait vraiment trop sale, on peut la rincer à l’eau froide, sans lessive. Cela peut faciliter le cardage. Je viens de le faire pour une laine de bonne qualité mais qui avait presque feutré sur le dos du mouton.
Filer humide
Si vous voulez obtenir des fils plus fins, plus lisses et plus tordus avec moins d’effort, filer humide est une bonne solution.
Je l’ai découvert par hasard, lorsque je n’ai pas pu résister à l’idée d’essayer de filer de la laine que je venais de laver qui séchait.
C’est beaucoup plus facile.
J’en ai eu aussi la confirmation à lecture de livres sur les anciennes techniques de filature. Les laines prêtes à filer étaient gardées dans des pièces humides et fraîches. Souvent, elles étaient filées dans ces mêmes pièces. Cela entraînait souvent des problèmes de rhumatismes.
Quand j’ai parlé de cela à une amie Aymara, elle m’a aussi dit qu’il était recommandé de filer humide les laines de chaîne qui doivent être plus solides.
Je viens de passer 15 jours de Wwoofing chez Gilles Michaudel qui élève des moutons et produit du cidre à Cormes dans la Sarthe. Quand nous avons traversé le village ancien, il m’a expliqué que les vieilles maisons était construites avec un rez-de-chaussée semi enterré plus humide où étaient installés les métiers à tisser et tout le travail de laine et du lin. L’accès à la maison se faisait par un petit escalier sur la façade.
Filer humide peut aussi limiter les problèmes d’électricité statique avec certaines fibres qui volent facilement.
Que filaient nos ancêtres?
Ils filaient toutes sortes de poils d’animaux (chiens, chèvres, lapins et même vaches), des cheveux humains et de nombreux végétaux. La variété des plantes à fibres exploitées étaient beaucoup plus grande que maintenant.
Difficile à filer?
Si comme moi, vous avez commencé à filer avec des laines provenant de matelas, beaucoup de limites sont déjà repoussées.
Une de mes amies Aymara de Mamiña, m’a raconté qu’elle avait commencé vers l’âge de 6 ans avec les déchets de laines que sa mère éliminait quand elle filait. Rien ne se perdait.
La torsion
La torsion est ce qui donne la solidité à la laine et elle influe beaucoup sur la texture de la laine, je ne peux donc pas laisser de côté cet aspect de la filature.
J’ai lu un livre d’archéologie où ils avaient analysé la force de torsion, le sens de celle-ci, le nombre de fils par centimètres, le type de chaîne et de trame… des textiles de 3 cimetières précolombiens de la région de San Pedro de Atacama, près de Calama, Nord du Chili.
Dans le cimetière le plus ancien, les textiles étaient plus rustiques, moins soignés, essayaient d’imiter la fourrure (il fait très froid dans le désert la nuit).
Dans le cimetière intermédiaire, il y avait une très grande diversité de couleurs, naturelles des camélidés, mais aussi teintures végétales et animales (cochenille) avec des teintes très saturées. Même l’indigo était déjà présent.
Là, il y avait aussi une très grande diversité de systèmes de torsion et de combinaison de fils, allant jusqu’à 5 ou 6 fils parfois retordus par paires pour arriver à un fil final composite.
Au niveau du tissage et des dessins, aussi, tout était complexe et recherché.
Enfin, dans le cimetière le plus récent, de la période incaïque, tout s’était simplifié. La filature était beaucoup plus homogène. Les techniques de tissage variaient beaucoup moins. Bien que toujours maîtrisées, les couleurs n’apparaissaient plus que sur des bandes sur les cotés.
Les différents types de torsion influencent aussi bien la solidité du fil que l’aspect final de la toile.
Les fils de chaine qui nécessitent une plus grande solidité, doivent être plus tordus. Il souffrent plus lors du tissage en raison des frictions avec les peignes ou les lisses.
Jouer sur différentes torsions peut permettre des effets fantaisie intéressant, lorsque l’on retord la laine.
Filer S ou Z
A priori, le sens de filature, n’a pas d’importance. Mais, il faut toujours filer dans le même sens. Il n’y a donc pas de problème pour les gauchers.
Pour retordre, on tord deux fils dans le sens inverse de la filature.
Généralement, on tord vers la droite et retord vers la gauche. Cela semble plus simple. Mais, il y a des endroits où on pratique plutôt l’inverse.
Dans certaines traditions, on file à gauche pour des textiles sacrés ou de sorcellerie, pour des portes-bonheurs…
Pour certains textiles, la chaîne n’est pas filée dans le même sens que la trame, ce qui apportent certains effets.
Forte ou pas
Plus la torsion est forte, plus le fil est solide. Mais, si l’on tord de trop, le fil a tendance à s’enrouler sur lui-même.
C’est désagréable à travailler par la suite. Et, surtout, cela provoque que le textile terminé s’enroule sur lui-même. Il faut donc bien balancer le fil dès le départ, ou le retordre, ce qui le rééquilibre.
Doubler ou retordre la laine
Pour que le fil soit bien balancé et solide, il vaut souvent mieux le retordre deux fils en sens inverse. Cela empêche aussi que les tissages et tricots s’enroulent sur eux-mêmes. Il n’y a pas d’autres solutions, le fer à repasser n’y peut rien, ou pire risque de brûler les fibres.
Donc, si l’on ne sait pas filer balancé, c’est-à-dire sans que la laine s’enroule sur elle-même, il vaut mieux la doubler ou la tripler. Cela redresse le fil, l’assoupli et le rend plus agréable.
Bien sûr, ce allonge le temps passer à filer, car il faut filer le double pour la même longueur, et encore retordre. Cette opération est cependant plus rapide que la filature originale. En effet, les fils glissent sans que l’on doivent les contrôler autant et la force d’inertie des fils trop tordus aident au travail.
Filer des laines fantaisie
Une fois que l’on sait filer, on peut créer ses propres laines fantaisie. Là, la créativité n’a plus de limite.
Dans ce cas là, parfois, le fuseau laisse plus de liberté, car des parties irrégulières de laine ne risquent pas de se bloquer dans le trou d’entrée du rouet ou de s’accrocher sur les petits crochets guides de la broche en U.
Quel outil choisir pour filer?
Le fuseau
Le fuseau est incontournable à mon avis. D’abord, pour son ancienneté. Les rouets les plus anciens en Europe datent du XIIIème siècle, et proviennent d’Orient, des Indes. Leur mise au point pour obtenir le type de rouet que l’on connaît actuellement datent du XVème siècle.
Grande variété de modèles
Il existe de nombreux types de fuseaux, suivant les régions, le genre de fibres à filer et la grosseur du fil final.
Plus le fil voulu est fin plus le fuseau doit être léger.
L’idéal est d’en avoir plusieurs, J’ai même vu un habitant de l’île Maillen (en face de Puerto Montt, sud du Chili) filer de la grosse laine avec un bâton de près de 2 cm d’épaisseur et 70 cm de long contre sa cuisse.
J’ai aussi vu une femme filer très fin, en face d’un marché à Cajamarca (nord du Pérou) avec un simple fil de fer de 30 cm appuyé sur le sol.
Facilité d’apprentissage
En un quart d’heure, on peut savoir manier un fuseau. Après, tout vient avec l’expérience et la qualité de la fibre. Cependant, il faut un certain temps de pratique pour obtenir des fils réguliers et solides.
En outre, on devrait enseigner à filer à tous les enfants à l’école, ce serait une excellente leçon de physique appliquée. En effet, l’usage d’un fuseau met en évidence de nombreuses lois de physique:
la résistance, plus une fibre est tordue, plus elle est solide,
l’inertie, si l’on ne maintient pas le fuseau en mouvement, il repart en arrière,
les forces centripètes et centrifuges.
Que de science résumée dans un outil aussi ancien!
Filer en marchant
Un autre intérêt de l’usage d’un fuseau pour filer est qu’on peut le faire debout et en marchant.
En effet, si le fuseau est assez léger et la fibre fine, comme c’est le cas de l’alpaga par exemple, c’est plus efficace et l’on peut ainsi profiter de temps de marche ou de files d’attente.
Filer au rouet
En cherchant plus d’informations sur les rouets, sur le site de la Bibliothèque Nationale de France (BNF), je découvre un grand nombre d’oeuvres musicales dédiées aux rouets et de références littéraires. Cela indique son importance dans la vie quotidienne des siècles passés.
Lors des visites des musées Open Air de Scandinavie et des pays baltes, on peut voir des rouets dans presque toutes les maisons.
Le rouet à pédale
Il peut être plus difficile à manier, car il a parfois tendance à partir dans le sens opposé à celui désiré. Mais il suffit simplement de relancer la roue dans le bon sens et de maintenir un rythme régulier. On finit par s’y habituer.
Pendant longtemps, chez mon ami du «Rincón de Angel«, je devais faire la démonstration des rouets électriques, alors que les clientes essayaient naturellement les rouets à pédale.
En fin de compte, j’ai appris à filer avec ce type de rouet chez mes amis bronziers en Suisse. Maintenant, je le pratique aussi quotidiennement en wwoofing chez Aline, Les Fourrures d’Aline.
Avec un peu de patience, on s’y fait. C’est tout de même beaucoup plus rapide que de filer au fuseau.
Il est intéressant de noter que ce type de rouet permet de réguler la vitesse de filature à volonté en fonction de la qualité de la laine, ce qui est rarement le cas sur les rouets électriques qui peuvent paraître trop rapide au début et trop lent quand on a l’expérience.
Cette possibilité de réguler la vitesse permet d’obtenir une laine plus régulière ou de jouer sur certains effets.
Le fil disparaît donc moins souvent dans le trou quand la laine se coupe. On perd moins de temps à la rattraper.
Le rouet électrique
Il n’a pas besoin de pédale, donc il est moins encombrant. Il en existe des versions super compact. Pour les semi-nomades comme moi, cela peut être un atout.
Sa vitesse de rotation est généralement constante. Quand on a de l’expérience, cela peut parfois paraître lent.
On peut travailler debout et à une plus grande distance. Cela peut permettre d’obtenir un fil plus lisse et régulier, car la torsion se répartit sur une plus longue distance. En outre, la position assise toute la journée n’est pas bonne pour la santé.
Achat d’un rouet
Lors de l’achat d’un rouet, si l’on ne veut pas qu’il serve de simple décoration, il y a quelques détails d’importance à prendre en compte. En outre, il en existe qui ne sont pas du tout décoratifs, mais ils sont très efficaces.
Il est difficile de trouver le rouet parfait, ils sont souvent destinés à différents types de fibres.
Si on le fait faire à la mesure, il faut s’assurer que la personne qui le construit sait filer, sinon il risque de ne pas comprendre vos exigences.
Vérifier qu’il embobine ce qu’il tord
Il existe normalement un système de frein (caché) qui permet que la bobine enroule le fil tordu, ou un système à double courroie avec des roues de différentes tailles.
J’ai vu plus d’une fois de très beaux rouets qui tordaient très bien, mais n’embobinaient pas.
Taille du trou d’entrée
La taille de ce trou est très importante, car c’est une des limites à la grosseur de la laine.
En outre, il faut veiller à ce que la sortie de ce trou ne soit pas plus petite, car le problème serait le même que si le trou était petit à l’entrée, avec des risques de bourrage en plus. Ce genre de rouet existe aussi, malheureusement.
Un gros trou d’entrée permet de filer de grosses laines. Cela peut être intéressant pour valoriser des laines de moins bonne qualité, notamment celles de vieux béliers qui peuvent servir à faire des tapis ou des objets décoratifs…
Taille de la bobine
La taille de la bobine détermine la quantité de fil que l’on peut produire sans noeud. Quand le fil est fin, une petite bobine peut suffire. Mais, si l’on file gros, une petite bobine est vite pleine.
Taille des crochets sur la broche en U
La taille des crochets qui permettent de déplacer la zone d’enroulement sur la bobine, doit être proportionnelle à la grosseur du fil.
Les rouets Ashford ont une caractéristique intéressante, à ce niveau. Au lieu d’avoir une série de crochets, il y a une bague circulaire que l’on déplace à volonté sur la branche de la broche en U. Cela évite que la laine sorte des crochets et aillent s’enrouler sur l’axe. On peut choisir plus précisément l’endroit où va s’enrouler la laine. Cela doit permettre de filer des laines plus irrégulières.
Bon état de la broche en U
Cette pièce est une des plus fragile du rouet et elle constamment soumise à des forces importantes lors de la filature. Il est donc important de vérifier son bon état. Cette pièce est difficile à réparer.
Possibilités de réglages
Les possibilités de réglage ne sont pas toujours disponibles sur les vieux rouets. D’autres rouets, à l’inverse, disposent de tant d’options de réglage que même les manuels, qui ne sont souvent qu’en anglais ne sont pas d’une grande aide.
Tension de la courroie
La possibilité de réglage de la courroie est aussi importante. Pour pouvoir retordre, sur certains rouets, on met la courroie en 8, ce qui inverse le sens de torsion, il faut donc que celle-ci soit assez élastique.
Au Chili, on règle souvent le problème en utilisant une courroie en vieux bas de nylon. Cela peut paraître surprenant, mais, c’est très efficace.
Possiblité de retordre (marche inverse)
Lors d’une visite au célèbre marché du 16 de Julio, dans la banlieue de La Paz (Bolivie), appelé El Alto, je me suis renseignée sur les rouets.
On m’a posé une question qui m’a semblée curieuse. «Voulez-vous un rouet pour filer ou pour tordre?«. 10 ans après, j’ai commencé à comprendre.
J’ai rencontré un fabricant de machines textiles dans ce même quartier d’El Alto qui fabriquait des machines à retordre. En effet, les femmes boliviennes aiment les laines très tordues, car elles sont plus solides. Et, elles lui font retordre même des laines industrielles bien balancées.
D’autre part, certains rouets ne sont effectivement pas prévus pour fonctionner en marche inverse.
Il est à noter que certaines laines fantaisie s’obtiennent en retordant soit en S, soit en Z deux ou plusieurs fils tordus les uns en S et les autres en Z, ce qui donne une laine plus gonflante.
Position de travail pour filer
L’ergonomie est aussi un facteur important à prendre en compte. Il faut donc trouver la bonne position. Il faut arriver à ne pas devoir se rapprocher trop du rouet, cela permet d’avoir un peu d’avance si le fil se coupe, on peut rattraper le fil et arrêter s’il le faut avant que le fil aille s’enrouler sur la bobine.
Vitesse de filature
Certains rouets électriques sont mal réglés et sont si rapides que la bobine s’envole au bout de quelques minutes.
D’autres qui utilisent un moteur de machine à coudre munies d’une pédale, semblent intéressant car ils permettent de régler la vitesse. Malheureusement, ces moteurs ne sont pas assez puissants et ils chauffent trop vite. Donc, ils ne permettent pas un usage professionnel.
Possibilité de démontage
Pour voyager, il peut être intéressant de pouvoir démonter son rouet. Cependant, c’est rarement le cas. Jadis, on filait surtout à la maison et on ne voyageait pas beaucoup.
Cependant, cela peut éventuellement nuire à la solidité du rouet.
Ma recherche actuelle
Je suis donc à la recherche d’un rouet qui tienne compte de ces exigence. J’en suis arrivée à la conclusion que le mieux serait de faire appel à mon ami Juvenal de Bolivie.
Quelques chiffres
Essayons de chiffrer un peu les pertes et le temps à dédier à cette activité.
Je vais vous décrire pas à pas la filature de 455 g de laine brute.
Je n’ai pas travaillé, dans ce cas avec la meilleure partie de la toison.
Nous sommes parties de la laine brute de brebis de race solognote. Il s’agit d’une race bouchère qui possède une toison de bonne qualité et relativement longue. Ces animaux sont élevés en plein champs, dans l’Orne, Normandie, où règne un climat assez humide.
Nettoyage et cardage manuel
Comme à mon habitude, je vais filer la laine avant de la laver.
Cette laine n’était pas de la meilleure qualité, leur propriétaire en avait gardé un peu pour de l’isolation. Mais, cela n’affectera pas le résultat final.
J’ai d’abord enlever l’essentiel des herbes et des pointes collées par de la boue.
Puis, j’ai préparé des boules de mèches de carde assez grossières.
Temps pour ces deux opérations: 2h 30 mn
La plus grosse partie des déchets est produite lors de cette étape.
Affinage des mèches de carde pour filer
Puis j’ai affiné ces boules de mèches de carde, à chaque enroulement les les fibres s’alignent dans le sens du fil et la torsion permet de les maintenir dans cet ordre.
Plus on répète cette opération, plus la laine sera propre et pourra être filée plus fine.
Temps pour cette opération: 1h 30 mn
Quand la mèche de carde semble bonne, la dernière étape consiste à l’enrouler encore une fois, très lâche de manière à pouvoir la passer au poignet comme un gros bracelet.
Encore des déchets…
Temps pour cette opération: 1h
Filature au rouet
Enfin, on peut commencer à filer.
Une fois la bobine pleine, je fais une pelote avec la laine filée. Les premières bobines, j’avais fait des bobines rondes. Cependant, il est plus facile de retordre à partir de pelotes donnant accès aux deux bouts. C’est pourquoi j’embobine la laine sur un fuseau.
Encore des déchets, mais déjà moins.
Temps pour la filature: 6h 30 mn
Doublage du fil
Pour avoir une laine plus solide et bien balancée, je retords ensemble deux fils dans le sens inverse. Il me semble que le rouet que j’utilise actuellement ne me permets de le faire. La taille de la bobine est insuffisante et le sens des petits crochets sur la broche en U n’est pas correct.
Je fais donc cette étape au fuseau, elle est d’ailleurs assez rapide, puisque la force d’inertie de la torsion du fil nous aide.
Temps pour retordre: 2h
Mise en écheveaux
Une fois le fil retordu, je transforme la pelote en écheveau en utilisant une «aspa».
Temps de mise en écheveaux: 30 mn
Poids des écheveaux avant lavage: 340 g
Je n’oublie pas de nouer comme il faut les deux bouts de façon à ce que l’écheveau ne s’emmêle pas au lavage et à la teinture.
Lavage
Nous faisons d’abord tremper 1/4 d’heure à l’eau froide pour enlever le suint qui donne la fameuse odeur de mouton. La laine blanchit déjà.
Il est important d’éviter les chocs thermiques pour éviter le feutrage. Pour la même raison, il faut éviter de frotter.
Il vaut mieux éviter les eaux calcaires, l’idéal est l’eau de pluie.
Puis lavage au shampoing, sans frotter, dans ce cas.
On peut aussi utiliser du produit à vaisselle, de la lessive de lierre ou de laurier, de la lessive de cendres.
Plusieurs rinçages.
L’idéal est d’utiliser de l’eau de pluie, surtout là où l’eau est très calcaire. Ajouter un peu de vinaigre blanc au dernier rinçage pour adoucir encore plus les fibres.
Lavage au lavoir
La dernière série d’écheveaux d’Aline comptait 12 pièces auxquels il fallait ajouter 5 écheveaux pour moi, de l’alpaga et de la laine de mouton Shropshire que j’avais profiter de filer tant que j’avais accès au rouet.
Cela faisait un peu beaucoup pour la petite bassine et nous avions épuisé la réserve d’eau de pluie de récupération des toits, il ne pleuvait plus depuis plusieurs semaines. Et l’eau du robinet est très calcaire.
La solution était le lavoir.
Pour l’occasion, j’ai tissé un filet pour mes écheveaux.
Nous avons donc décidé de le faire dans un lavoir. Aline a d’abord cherché au plus proche et a demandé à son voisin d’utiliser le bassin qu’alimente sa source.
Malheureusement, le bassin était envahi de petites algues.
Nous sommes donc allés au lavoir communal de Sérans. Nous y sommes allées deux fois. L’endroit est si tranquille que nous avons laissé la laine se rincer et Aline est passée la rechercher après avoir assisté à la messe.
Je crois que c’était une bonne idée, il existe encore de nombreux lavoirs dans les campagnes de France, ce serait dommage de ne pas en profiter.
Séchage
Faire sécher à l’ombre sans essorer. Ne pas accrocher sur une partie métallique oxydée, car on pourrait avoir des surprises à la teinture. Les mordants sont souvent des oxydes de métaux.
Pesée après lavage et séchage: 225 g
Perte par rapport à la dernière pesée: approximativement 20 %
Perte par rapport aux 455 g de départ: 230 g
Nombre de mètres de laine: 193 m
Temps total: 14 heures
Ces chiffres sont indicatifs pour cette race ovine, avec d’autres races, ou des animaux élevés dans d’autres conditions, la perte pourrait être plus ou moins élevée.
Mise en pelotes
Avant de tricoter, je passe les écheveaux en pelotes.
Autres laines travaillées
À la suite de la laine des Solognotes, Aline a reçu d’un de ses voisins un sac de laine de Bleues du Maine. Puis, chez Gilles Michaudel, j’ai testé la laine des Tonnet Morteau.
Bleues du Maine
Cette laine était de meilleure qualité, il y avait moins de déchets, ils n’avaient gardés que les meilleures parties. Le seul petit défaut est que cette laine avait séjourné sale dans son sac plus de 3 ans.
La lanoline et le suint (ce que l’on appelle le «beri» à Puerto Montt, il s’agit d’un mot Mapudungun) s’était oxydé et avait un peu durcit.
Les fibres sont longues et cette laine se file très bien, elle colle un peu plus aux doigts. Le résultat final est bon. Seulement, cette laine blanchira un peu moins au lavage. Est-ce grave?
Nous avons fait les mêmes pesages avant et après lavage comme avec la laine des Solognotes. Les pertes de poids au lavage sont assez semblables.
Thones et Marthod
Depuis, j’ai testé d’autres laines, notamment de la Shropshire, agréable à travailler. Mais, je vous parlerai plus en détail de la laine des Thones et Marthod. Elle est très différente des laines que j’ai travaillées jusqu’ici.
C’est une laine très douce, longue et blanche. C’est un vrai plaisir à filer.
Petite remarque
Si on tient compte des données, ci-dessus, qui ne sont malheureusement pas exagérées, on doit comprendre que le prix de ce travail doit être juste, même si la laine peut être «gratuite«.
Dans un prochain article, je vous parlerai d’une autre race bouchère à bonne laine: la Tonnet Morteau.
Conclusion
Filer est une école de patience, on file centimètre par centimètre. La laine passe plus de dix fois entre les mains avant le fil final.
Beaucoup pourraient assimiler cette expérience à une forme de méditation, car les mouvements sont répétitifs, seules erreurs, coupure de la mèche de carde ou du fil viennent interrompre le fil des pensées.
D’autres, préfèrent le faire en groupe, c’était encore le cas, il y a peu dans la région de Puerto Montt, c’était l’occasion de réunions entre voisins.
Voulez-vous filer vos moutons?
Je suis à votre disposition pour cela. J’attends votre appel.
Pourquoi pas un atelier?
Il suffit de me contacter et nous pouvons entrer dans un monde éloigné du stress ambiant.
Post-Scriptum
Comme vous pouvez le voir, j’aimerai participer à et partager des projets de reconstitution et d’archéologie expérimentale de techniques préhistoriques, de l’Antiquité ou médiévales, de manière utile.
A Concón, mon ami Uldis, m’a présenté aux propriétaires du Rancho Kawell peu de temps avant mon départ en France. Il y avait là quelques brebis et deux alpagas qui avaient besoin d’une bonne tonte.
De retour de France, vivant à Concón nous avons repris contact, car ces animaux allaient avoir très chaud, ils n’avaient pas été tondus depuis 2 ans.
Première expérience à Longotoma
J’ai commencé à apprendre à tondre les moutons, il y a à peu près 10 ans quand je vivais à Longotoma. J’avais des voisins qui avaient 5 ou 6 brebis dont ils n’utilisaient pas la laine, ils les élevaient pour la viande, j’ai dû insister pour qu’on les tondent. Je voulais connaître d’où venais les meilleures laines. Et j’avais besoin de laine, puisque je venais d’apprendre à filer et je teignais déjà avec des plantes.
Quand on travaille avec un produit, il me semble qu’il faut en savoir le plus possible, et pas seulement en théorie. Il est important de savoir le travail que cela représente, les pertes en matières premières très importantes, les différentes qualités… Même l’époque est importante pour la tonte, il faut pas qu’il fasse trop froid, mais il faut le faire avant que les plantes fassent leurs graines (celles-ci s’inscrustent dans la laine et compliquent beaucoup la filature, il y en a qui piquent très fort, surtout dans zones à chardons…).
Normalement, la tonte doit attendre que l’animal soit sec, s’il a plu.
Nous avons donc tondu un bélier et quatre brebis. Nous avons commencé par le bélier, quand nous l’avons relâché, les brebis étaient très surprises, elles avaient l’air de ne pas de le reconnaître… Nous avons continué avec les brebis.
C’est très fatigant, car en général on le fait avec l’animal au sol, mais c’était important pour moi. Je n’ai pas réussi à utiliser les ciseaux traditionnels, mais je me suis débrouillée avec des ciseaux normaux.
Tonte à Mamiña
J’ai recommencé à Mamiña avec mon amie Raquel, on s’est mieux débrouillées, on a monté les brebis sur une table, à deux cela va beaucoup plus vite. Les moutons de Mamiña ont la laine plutôt courte, et le ventre nu (ce qui n’était pas le cas à Longotoma où le mâle avait de la laine même sur les testicules, ni a Concón). La laine des brebis de Mamiña bien que courte était très douce et facile à filer, celle du bélier était dure. J’ai dû aller laver toute cette laine au lavoir, car la poussière acide provenant de la mine m’attaquait les mains. Il y avait des brebis très noires.
J’ai à nouveau tondu deux brebis à Parca, un petit village presque abandonné à 17 km de Mamiña et 5 km de la mine… Il ne restait que 7 habitants, je ne sais pas combien il en reste maintenant.
Je n’avais donc que peu d’expérience en arrivant à Concón. Je n’avais jamais tondu de camélidés vivants, des cuirs de lamas si plusieurs fois à Mamiña.
Le premier jour de tonte, je n’ai réussi à tondre que deux brebis au sol.
Je suis revenue une quinzaine de jours plus tard, juste avant mon retour à Puerto Montt pour terminer les brebis qui restaient et les deux alpagas.
Cette fois-ci, j’ai eu plus d’aide, il y avait là des jeunes français et suèdois qui faisaient du woofing. Nous avons montés les animaux sur une table, c’était nettement plus facile.
Les moutons sont relativement calmes, la femelle alpaga était très tranquille, le petit qui avait seulement 4 mois était très amusant, il venait chercher des caresses, s’est couvert avec la laine de sa mère…
Le mâle alpaga a été plus compliqué, il a émit divers bruits de protestation dans le genre klaxon, il est descendu de la table, il a fallu trois personnes pour le maintenir pendant que je le tondais. Il faut faire très attention quand on tond, car le cuir se coupe très facilement, il vaut mieux éviter de faire souffrir les animaux inutilement.
On lui a laissé une touffe de poils sur la tête, il ressemble un peu à Farkas (millionnaire chilien très médiatique).
Cela a été pour moi une très bonne expérience, on m’a donné la moitié de la laine, j’ai déjà commencé à filer la laine des alpagas.
Elle se file avant d’être lavée, mais il faut enlever les pointes qui se sont feutrer ou sont brûlées par le soleil, enlever les poils du ventre qui sont plus dure et rendent la laine filée piquante.
Quelques mots sur le Rancho Kawell
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Petite galerie de photos
Je vous invite à laisser vos commentaires.
Je tiens à vous préciser que je n’ai pas de formation en marketing et que bien sûr, je ne pense pas revendre les données ainsi collectées!