/// Ortie et houblon, fibres anciennes ///
Article créé le 23 septembre 2022, dernière mise à jour le 29 septembre 2022
Je suis en Europe depuis le 10 mai 2022 – Retour au Chili le 11 novembre – Beaucoup de nouveautés
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Il y a quelques années, j’avais déjà fait des expériences avec les orties, elles m’ont même menée jusqu’à Gletterens il y a 3 ans. J’y suis de retour cette année et j’en profite pour faire de nouveaux essais. La sécheresse et la canicule qui interdisaient les feux m’y ont aidée. Dans cet article, je résumerai un été d’expériences à Gletterens dont le travail de l’ortie a été a été l’exercice quotidien.
Retour à Gletterens
Le cours prévu à Zonca n’ayant malheureusement pas eu lieu, je suis arrivée à Gletterens plus tôt que prévu.
Cela m’a permis de faire de nombreuses expériences, seulement réalisables avec du temps et de la patience, ce qui est le cas du travail des fibres d’orties et des teintures solaires. Ces innovations agrémenteront mon été.
Difficile de teindre sans feu
L’été passé avait sous le signe de la pluie quasi permanente, cet été ce sera la canicule.
L’interdiction d’allumer des feux en extérieur a été proclamée courant juillet dans presque tous les cantons suisses, notamment dans celui dont dépend Gletterens.
C’est vrai que les haies avaient vraiment très mauvaise mine et des arbres adultes comme des bouleaux et des charmes avaient déjà perdu leurs feuilles à la mi-juillet.
Il y a toujours moyen de contourner les règles, mes feux pour teindre ne sont pas en extérieur, mais mieux vaut éviter des discussions inutiles…
Je me suis donc tournée vers une série de tests de teinture solaire, l’indigo et les expériences sur les fibres d’ortie et de houblon, qui avaient été largement utilisées pendant la préhistoire.
Les rares fois que j’ai pu allumer un feu, j’ai pu teindre les raphias pour le Village Lacustre qui avait trempé beaucoup plus longtemps que prévu et a mieux pris les teintures que l’an dernier.
Pratiquement tous les bains ont largement eu le temps de fermenter et d’infuser, ce qui a certainement influencé la teinture.
Le processus de teinture a encore été encore plus ralenti, les fibres ont macéré plus longtemps et les résultats semblent meilleurs. Seuls les récipients manquaient pour plus de teintures.
Et, tous les jours, je fais de nouvelles expériences avec les orties. Heureusement, cette matière première ne manque pas…
Teinture solaire
J’avais même envisagé de monter une cuisine solaire en utilisant des élements récupérés à la déchetterie: vieux four électrique, grilles et papier d’aluminium… Cependant, cela n’aurait pas été archéocompatible. Mes casseroles, déjà ne le sont pas. Mais, cela devrait être en partie réglé l’an prochain lors d’une semaine d’expérimentation en céramique néolythique du 16 au 23 juillet 2023, puis lors du prochain Rassemblement Préhistorique du 30 juillet au 6 août 2023 au Village Lacustre de Gletterens.
J’espère pouvoir répéter cette expérience dans des pots en terre.
J’espère aussi tester ces teintures solaires en les plongeant alternativement dans des bains acides et des bains alcalins ou basiques.
Indigo
Comme, j’avais du temps entre chaque épluchage d’ortie, je poursuivais les expériences de teinture.
L’indigo est une teinture à froid. Quelle chance! et le raphia que j’avais teint en vert par l’indigo avait plut à mes amis de Gletterens. C’était donc l’occasion de recommencer.
D’autant plus que l’indigo est une teinture intéressante en démonstration, notamment avec son passage du jaune-verdâtre au bleu.
Nous avons aussi monté une deuxième cuve d’indigo avec les enfants qui participaient au Rassemblement Préhistorique.
Grosse opération mordançage
Ne pouvant pas faire souvent du feu, je décide de faire une grande casserole de mordançage à l’alun et des tests de mordançage au lait de vache et au lait d’amande (je n’ai pas trouvé de lait de soja au supermarché du coin, ce qui aurait été plus économique).
Ces mordançages alternatifs sont parfois conseillés, notamment pour les fibres végétales. Lors des tests de teinture, je n’ai pas vu de différence dans les résultats. L’intérêt est que ce mordançage est libre d’aluminium.
Petit feu dans la maison longue pour préparer le mordançage, j’en profiterai pour faire défiler les autres casseroles.
j’avais préparé tout un cône de coton, il a ét´é mordancé en compagnie de laine, et de lin…
Je prépare aussi une petite soupe clous (acétate de fer, pour les chimistes) avec du vinaigre et de la ferraille trouvée à la déchetterie.
Cette soupe de clou interviendra dans de nombreux tests.
Tissage et nailbinding
Bandes
Le système avec attache à la ceinture me donne mal au dos
J’ai testé un petit que j’avais ramené du chili pour tisser des bandes.
Nailbinding
J’ai continué avec à m’entraîner à la lente mais préhistorique technique du nailbinding/anillado. Un long travail à l’aiguille présent un peu partout dans le monde. On le trouve aussi bien en Égypte que dans la culture Tiwanaku qui a rayonné autour du Lac Titicaca, que chez les Viking (en Scandinavie cette technique est encore vivante) ou dans des frondes de Nouvelle Guinée…
Je viens de suivre un cours du Musée d’Arts Précolombiens de Santiago du Chili pour apprendre à tisser les bonnets à 4 pointes bicolores Tiwanaku.
J’ai fait plus simple et moins serré, cela m’a tout de même pris environ 50 heures.
Cette technique peut avoir beaucoup d’applications.
Sprang
J’aussi préparé une petite chaîne de sprang sur le métier fabriqué à cet effet l’an dernier.
Dans une autre video de Sally Pointer, je découvre un autre petit métier à sprang.
Avec l’aide de Tania, nous en construisons un avec une branche de noisetier.
J’apprendrais les bases de cette fantastique technique lors des Rencontres Braids 2022, à Svendborg, Danemark. Je vous en parlerai dans un prochain article.
Colliers
Pour tester les différentes matières tinctoriales et les différentes fibres, j’ai tricoté presque tous les jours des colliers avec des perles en bois à répartir dans les différentes casseroles de teinture.
À raison d’environ 20 minutes par collier, je me suis vite constitué une gamme de test de couleurs et de matières premières.
Rassemblement préhistorique
Le Rassemblement Préhistorique sera l’occasion de revoir des amis et de partager avec eux des premiers résultats sur les fibre d’ortie et de lancer d’autres expériences.
Tanneurs
Les tanneurs ont préparé une nouvelle peau de bison à la cervelle. Dominique Pflieger avait ramené des objets fabriqués avec la peau de l’an dernier.
Il m’a donné un morceau de cuir plus souple, travaillé avec cette technique, pour que je puisse éplucher mes fibres d’ortie sur mes genoux sans me mouiller les jambes. En outre les fines fibres ressortaient mieux sur un fonds sombre que sur une toile bllanche.
Nous avons eu aussi la visite d’autres spécialistes venant d’un musée français. Il étaient bien équipés.
Ecoprint sur os
Avant le Rassemblement préhistorique, j’ai fait une petite virée dans les boutiques spécialistes des fibres de l’Emmenthal.
J’en suis revenu avec du fil de lin (archócompatible), de la ramie, de la soie (pour les colliers) et une belle collection de livres.
Notamment, j’ai trouvé un livre sur les teintures naturelles, en allemand. Il proposait de faire des ecoprint sur du ciment.
J’ai testé sur des galets, des bouts de bois avec des résultats plutôt mitigés.
Puis, nous avons fait un petit test avec un pendentif en os de Tania.
Dommage, mais la feuille avait un peu bougé,
Mais, j’avais demandé à Éric, l’ami d’Archeoshop, de me ramener de gros os pour le Rassemblement Préhistorique.
Nous les avons donc testés.
Les os embobinés sont partis dans différentes casseroles de teinture naturelle.
Le déballage a encore eu lieu avec la participation des enfants.
Marbrures au naturel
Ce même livre allemand donnait aussi quelques informations sur les papiers marbrés, sujet qui m’intéresse depuis longtemps.
Une spécialiste de la reliure de livres était aussi présente au Rassemblement Préhistorique. Nous en parlâmes. La technique indiquée ne lui semblait pas être la meilleure.
Nous voulions tester une autre recette, mais celle-ci nécessitait du fiel de boeuf. Nous n’avons pas réussi à nous procurer ce produit sans additifs, et ceux-ci auraient pu perturber le résultat.
Ce sera pour une prochaine fois.
Enfin, retour vers l’ortie
Après tous ces détours, j’en arrive enfin à ce que j’ai annoncé: mes expériences avec les orties.
Le travail de l’ortie aura été quotidien cet été à Gletterens. Les fibres d’ortie sont vraiment très belles.
L’ortie, mais aussi le houblon
Il y avait au Village Lacustre, quelques pieds de houblon peu trop exubérant dans une haie qui avaient une facheuse tendance à étouffer quelques pieds de saules.
C’était l’occasion de tester une autre sorte de fibre. Je mènerai donc les deux expériences en parallèle.
Comment faire avec l’ortie?
Comment est composée une ortie
Une tige d’ortie comporte une tige en lignine (du bois) au centre, très cassant. Autour, il y a de fines fibres blanches de cellulose qu’il faut séparer de l’écorce verte. À ce stade, les orties bien qu’encore fraîches ne piquent plus.
Les livres sur l’ortie
J’ai consulté de nombreux livres sur les orties, maintenant je sais comment les manger, me soigner avec et en faire du purin. Je parle de tout cela dans un précédent article. Tout est bon dans l’ortie, depuis la racine à la graine…
Avec un peu de chance, on découvre au détour d’une page qu’on en tirait des fibres filées et souvent tissées d’une très grande solidité. En effet, on faisait des cordes d’arc en ortie, de la vannerie, même des voiles de bateaux, des draps, des vêtements ainsi que des sous-vêtements, au moins jusqu’au Moyen-Âge et parfois encore au XIXème siècle dans certaines régions du monde…
Avec la mécanisation des processus de traitement l’ortie est devenue invisible devant le chanvre et lin.
Ces plantes n’ont pas de noeuds et sont beaucoup plus faciles à travailler et donnant de plus longues fibres.
Mais, pas un mot sur l’obtention de ces fibres. Ce silence m’intrigue.
Les video sur la fibre d’ortie
Sur Youtube, il y a de nombreuses video, surtout anglosaxonnes sur la préparation des fibres d’ortie. Mais, il y en a pas qui aille jusqu’au bout. Comme dans la grande majorité des tutoriels, il manque toujours une étape cruciale,, un petit détail qui rend possible l’obtention d’un produit correct.
Le produit obtenu est une fibre d’ortie verdâtre, avec encore beaucoup d’écorce rugueuse et désagréable au toucher et encore plus à filer L’ortie ne pique plus depuis longtemps, mais les déchets d’écorce qui adhèrent encore aux fibres de cellulose ne donnent pas un produit très flatteur.
La couleur verte que certains apprécie disparaît très vite, c’est la chlorophylle qui se décompose rapidement à la lumière.
Il semblerait aussi, qu’ils utilisent un autre espèce d’ortie qui mesure plus de 3 mètres!
Une video, ou plutôt une série de video a cependant retenu toute mon attention, il s’agit de celles de Sally Pointer qui en outre fait de la reconstitution archéologique. Et j’y revient maintenant que je rédige cet article. Elle est accompagnée d’un article très intéressant que l’on peut télécharger gratuitement. Je vous le recommande. Puis, pour la première fois, je me donne la peine de lire les commentaires. Cela m’a pris plusieurs heures.
En laissant de côté, toutes les remarques concernant le fait que les orties piquent, et pour une fois, il s’agit d’ortie normale et les commentaires concernant un petit chat apparemment charmant que je n’avais pas remarqué, on peut découvrir des questions très intéressantes auxquelles l’auteur de la video répond très souvent en apportant des détails supplémentaires utiles.
Et le houblon?
Je n’ai pas trouvé d’ortie sèche, rouie par l’hiver passé, on était déjà en juillet, certainement un peu tard. Mais, le houblon présentait encore les deux étapes.
Sec ou frais
Pour le houblon, j’avais le choix entre les tiges mortes de l’an passé et les nouvelles qui étaient vertes. J’ai donc testé les deux.
Dans les deux cas, j’ai mis les tiges enroulées à tremper dans le bac des orties, ainsi que les fibres martelées ou grattées antérieurement comme dans les video.
Comme pour les orties, je les surveillaient. Je n’ai fait qu’une seule récolte dans une haie.
Quand les fibres et l’écorce étaient prêtes, elles se défaisaient facilement du bois de la tige qui était assez cassant et ne pouvait donc pas être utilisé en vannerie.
Puis, il fallait éliminer les écorces, par une longue série de séchage, frottage, martelage, trempage. Les fibres s’éclaircissent et s’adoucissent petit à petit au fur et à mesure que les déchets d’écorces s’en séparent. C’est long et r´épétitif avant d’obtenir des fibres que l’on peut filer au fuseau.
Cette technique est donc une technique de rouissage comme traditionnellement pour le chanvre et le lin.
Mais, selon Sally Pointer, des traces de micro-rayures observées sur les pièces archéologiques indiquent l’usage de gratttoirs.
Ce sera une nouvelle expérience à faire l’an prochain.
La ramie, cousine de l’ortie
La ramie est une fibre blanche, brillante et soyeuse qui provient d’une espèce d’ortie sud-est asiatique qui ne pique pas, ces fibres sont assez longues et peuvent être filées aussi bien au rouet qu’au fuseau. Tous mes amis tireurs à l’arc en ont reçu une petite bobine, j’en aurai certainement des nouvelle l’an prochain.
J’ai essayé de filer ces fibres aussi bien sèches qu’humides. Il semblerait que l’humidification rendrait l’opération un peu plus facile.
Tout oublier et tester l’ortie
On m’avait beaucoup insisté qu’il ne fallait pas faire rouir l’ortie trop longtemps et qu’il fallait bien la surveiller…
Après visionnage de nombreuses video et un certain nombre de test en martelant ou piétinant plus ou moins, en surveillant le rouissage… J’ai décidé de n’en faire qu’à ma tête.
J’ai donc arrêté de piétiner, de gratter avec un couteau.
J’effeuillais les orties que je ramassais par douzaine chaque jour et je les mettais à tremper dans un bac d’eau que je surveillais tout de même chaque matin.
Plus d’une fois, j’ai dû renouveler l’eau car des moustiques y avaient pondu leurs oeufs et des larves en forme de petits se tortillaient dans mon bac. Les moustiques manquaient de zones humides où pondre, j’ai trouvé ces petits clous agités jusque dans un pot contenant de la lessive de cendres.
Petit détail, mon bac de rouissage était noir et concentrait donc la chaleur.
Quand l’écorce de l’ortie se ramollissait et commençait à pourrir, je sortait les orties et je grattais les tiges avec l’ongle, de belles fibres blanches apparaissaient. Si elles ne se libéraient pas assez facilement de l’écorce verte, je le remettais à tremper. Je les retravaillais le jour suivant.
J’en avais aussi mises à rouir dans le petit fossé où se vide la fontaine.
J’ai donc fini par opter pour la technique moderne sans le savoir. Mes fibres étaient plus blanches, plus douces, mais aussi plus courtes.
En effet, le rouissage élimine les pectines et d’autres substances qui unissent encore les fibres entre elles dans la méthode par grattage préhistorique.
Nettoyage de la fibre d’ortie et de houblon
Rinçage à l’eau
Après chaque séchage, après martèlement, je fais tomber le maximum de poussières. Puis, je rince et je remets à sécher. Et des déchets, il en tombe toujours.
Bouillir avec des cendres
Après avoir visionné une video où l’on traitait les fibres avec un shampoing très spécial, mais certainement basique puis avec un bain acide, je décide de faire un test archéocompatible avec un petit peu de fibres mises à bouillir avec de la cendres.
Rinçage au vinaigre
Puis je les ai rincées, et enfin je les ai fait tremper dans un peu de vinaigre et à nouveau rincées.
Dernier rinçage à l’eau
Après ce dernier rinçage à l’eau, mes fibres étaient beaucoup plus propres et douces. Il ne manquait plus que le cardage.
Finition de la fibre d’ortie et de houblon
Séchage
Heureusement qu’il faisait chaud. Tous les jours, je remettais à sécher mes fibres et ensuite je les secouais pour faire tomber les restes d’écorces récalcitrants. J’ai fait ces opérations depuis le début des tests et je l’ai poursuivi jusqu’au filage.
Cardage
Après tous ces traitements, mes fibres étaient plutôt en désordre et emmêlées, ce qui les rendaient difficiles à filer.
J’ai profité de mon retour au Festival Yelen à Baulmes pour utiliser les cardes que m’avait prêtées Camille pour carder mes fibres d’ortie et de houblon en démonstration pour les enfants.
Filage
Le but de toutes ces opérations était bien sûr d’obtenir un fil.
Je vais donc tester le filage de ces deux types de fibres.
En ce qui concerne le houblon, j’ai préféré le travail avec des tiges sèche de l’an dernier, mais elles sont plus grossières que les fibres d’ortie. Comme elles sont un peu plus longues, elles sont un peu plus faciles à filer.
Conclusion
Avec un peu, beaucoup de patience, on peut vraiment tirer parti, de ces plantes qui sont souvent assez mal vues.
A chaque fois, que je ramassais et effeuillais les orties, je le faisais à main nue. Donc, elles me piquaient un peu, mais la nuit, je dormais mieux.
L’an prochain, j’aimerai tester certaines plantes comme la mauve et les roses trémières connues pour avoir des fibres. L’idéal serait de les récolter rouies naturellement après l’hiver. La difficulté est d’en trouver en quantité suffisante.
Les documents américains mentionnent le milkweed (qui semble être toxique), je ne l’ai pas encore rencontrée.
Je voudrai aussi tester des plantes à tiges dures à couper telles que la chicorée sauvage et le rumex, courants à Gletterens.