Vous avez raté votre bain?
Cela arrive à tous les teinturiers d’être déçu par un bain de teinture… Une plante que l’on ne connaît pas… un manque de mordant… une couleur décevante…
Parfois, cela ne vaut pas la peine d’essayer de modifier le résultat, par exemple une fois j’ai essayé de teindre avec l’escholtsia ou pavot de Californie, le résultat a été un vert-jaune très pâle, qui m’a déçu sur le moment, bien sûr on pourrait s’attendre à beaucoup mieux d’une fleur si voyante… Mais j’ai gardé l’écheveau tel quel, par la suite je l’ai tricoté en combinaison avec d’autres couleurs qui le faisait ressortir… J’ai récemment réessayé de teindre avec cette fleur à Concon, par la technique de la fermentation. le résultat a été assez similaire.
Cela peut se rattraper avec un autre bain, un petit supplément, ou on peut le transformer en laine tricolore, peut-être pas bleu-blanc-rouge… Mais les mordants et les modificateurs sont une source sans fin de variations.
Je vais vous raconter quelques expériences
Sebastiana était très déçue
Lors d’un atelier que nous avons fait avec l’Association Aymara Kespi Kala, à Mamiña, nous avons teint dans une casserole un peu rouillée, avec du schinus molle, poivrier rose, qui dans une cassserole non rouillée doit donner un jaune très fort… mais le fer de la rouille est intervenu…
Le résultat fut un joli vert avec des taches presque noires… Cela m’a beaucoup plus, mais pour ma voisine Sebastiana cela n’allait pas avec ses traditions où l’on considère comme beau une couleur unie… La solution aurait été de retremper la laine dans un bain avec de l’acétate de fer (soupe de clous ou bain de clous dans du vinaigre) qui aurait régularisé la couleur vers le ton le plus sombre.
Il aurait tout de même fallu faire attention à bien rincer, car le fer a tendance à rendre la laine rugueuse et la fragilise.
Laine à 4 couleurs à Rancagua
De retour de France, après l’ISEND de Kuching, je suis passée voir mon amie Lucia à Rancagua, nous avons testé une plante qui ressemblait beaucoup à la persicaire à indigo, nous avons testé la technique pour extraire l’indigo que montre Michel Garcia dans son DVD. Nous nous étions trompé de plante, nous avons quand récupéré le bain jaune obtenu lors de notre tentative, et nous avons teint avec en jaune… Nous avons un écheveau et ne l’avons laissé que jusqu’à la moitié dans le bain.
Il en est sorti une laine jaune et blanche, c’est normal, seulement la laine n’est jamais vraiment blanche (Michel Pastoureau parle même de teinture en blanc, qui fut longtemps un problème…).
Comme j’avais ramené un peu d’indigo de Kuching, nous avons donc préparé un bain d’indigo.
Le résultat fut une laine jaune, blanche et bleu, avec toutes les variations possibles…
De retour à Mamiña, je lui ai fait subir un autre bain, de cochenille cette fois.
Les fiches de modificateurs
A Pica, puis à nouveau à Santa Fe (Argentine) lors de l’atelier à La Redonda, nous avons fait des tests de modification des teintures que nous avons synthétisés sur des fiches… Ces fiches longues à réaliser m’ont beaucoup appris.
En effet, la grande majorité des recettes « littéraires » ou plutôt occidentales se basent sur des bains acidifiés (alun, vinaigre, citron, crème de tartre, sulfate de cuivre…), les trois premiers ayant souvent tendance à éclaircir les couleur.
Mais les recettes traditionnelles, populaires, en Argentine (voir Celestina Stramigioli) comme au Chili font souvent appel à des produits plutôt alcalins (sel, bicarbonate, chaux, lessive de cendres, urine…) qui ont pour effet de renforcer la couleur ou plutôt de l’obscurcir. On obtient ainsi des jaunes beaucoup plus soutenus, plus agréables…
Prolonger un bain
Je l’ai fait, il y a peu de temps avec ma teinture au citron, grace au bicarbonate (un usage supplémentaire de ce produit aux ressources infinies), un petit peu dans le troisième et le quatrième bain et j’ai presque égalé le second bain…
Camouflage à l’eucalyptus
Lors de mes premiers essais de teinture, quand je vivais à Longotoma, près de La Ligua, j’avais teint deux écheveaux de laine à l’écorce d’eucalyptus (celle qui tombe des troncs et s’arrache toute seule, cela ne nuit pas à l’arbre). J’avais obtenu un joli café, mais j’en avais déjà plusieurs qui lui ressemblaient, j’ai donc décidé de les modifer…
J’ai pris deux récipients, dans l’un j’ai dilué un peu de sulfate de cuivre, dans l’autre un peu de sulfate de fer. J’ai mis les bouts des écheveaux dans ces récipients, laissant la partie du milieu hors des bains…
La réaction est rapide. D’un coté, j’avais du gris foncé, de l’autre un vert kaki, séparé par du marron. Quand j’ai tricoté un poncho avec ces laines, il était à la mode camouflage…
Second bain d’indigo
A Santa Fe, Argentine, lors du premier atelier, à la Esquina Encendida, mon amie Mara m’acheté un bonnet, mais elle n’a pas résisté à l’envie de le modifier, nous avions un bain d’indigo. Cela se prête merveilleusement à toutes les techniques de shibori. Nous avons donc ficelé ce bonnet et l’avons plongé à plusieurs reprises dans le bain d’indigo jusqu’à ce que la couleur lui plaise…
Cochenille
La cochenille se prête merveilleusement aux modifications, cette teinture est très sensible au fer, au cuivre, au citron, à la crème de tartre… attention aux casseroles rouillées ! Je lui ai déjà consacré un article… Elle le mérite bien.
Ecoprint pas assez net
Lors de l’atelier d’ecoprint à La Chapelle Blanche Saint Martin (Indre et Loire – France), il y a eu quelques essais qui n’étaient pas assez contrastés, ils sont passés dans un bain supplémentaire soit à la chaux hidraulique, soit à la soupe de clous, qui ont révélé les détails cachés
Prochains essais
Bain de garance trop pâle
J’ai teint des laines à la garance, elle a bien trempé plusieurs jours… mais je n’ai pas dû en mettre suffisamment (j’en ai peu, on n’en produit pas au Chili, et cela coûte cher de l’importer de France… et je n’ai pas encore réussi à me procurer son équivalent le Relbun, pourtant sauvage dans le sud du Chili). Le résultat est un rose saumon.
Le second bain est assez semblable au premier. J’en ai fait un troisième en attente avec rajout de craie, seulement un peu plus clair que les deux premiers.
Le quatrième bain est en attente, avec cette fois-ci des laines blanches et un écheveau déjà teint en jaune.
Je crois que je vais passer une partie de ces laines dans un bain de cochenille…
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