Magie de la teinture!

Une vraie magie

De la magie dans ma lecture… Je suis entrain de lire “Diskworld” (Les Annales du Mondedisque en français, il me semble) en traduction espagnole de Terry Pratchet. où il décrit un monde plein de magie et de magiciens un peu fous… c’est très drôle… Le traducteur a dû souffrir pour bien rendre tous les jeux de mots et les références littéraires cachées… C’est aussi un monde tout en couleur, le spectre en a huit!

Mais aussi dans ma vie professionnelle, la teinture naturelle est aussi une vraie magie, la magie de la chimie verte! Quelle est belle!

 

Une magie cachée

Mais où se cache donc la couleur? En effet, la couleur se cache souvent, elle est rarement apparente, et pourtant depuis la préhistoire, elle est très présente dans la vie des hommes… J’ai déjà consacré un article à ce sujet, dès la création de ce site.

Par exemple, aussi bien les fuchsia que les bougainvilliers donnent du jaune, malgré leurs jolies fleurs rose vif.

Il faut bien qu’il y ait une part de secret, d’ailleurs les teinturiers ne les disent que rarement et parfois nous engagent vers de fausses pistes… comme la betterave…

Une magie ancienne

Depuis la préhistoire la couleur fascine les hommes, ils ont très vite su teindre des fibres, en rouge, en bleu et bien sûr en jaune.

Des règles aussi se sont vite imposées quant à l’usage de certaines couleurs que se sont vite vues réservées à certaines élites.

Mais cette magie est toujours à l’ordre du jour, maintenant sans limites, car nous pouvons même semer les teintures! Et là, on apprécie encore mieux la nature…

A ce sujet, je vous recommande les livres de Michel Pastoureau et de Dominique Cardon qui sont passionnants.

Une magie renouvelée

A chaque teinture, on a des surprises… des bonnes ou des mauvaises, mais cela correspond rarement au photos des livres… Cela varie, avec la saison, la qualité de l’eau, la casserole, le temps de trempage, les fibres et bien sûr les mordants… On ne teint généralement pas dans des conditions de laboratoire.

Comme je prends rarement le temps de peser (je le fais habituellement lors des formations), je suis sujette à de nombreuses surprises. Et c’est tant mieux.

Une magie à plusieurs niveaux

Comment ne pas être fascinée par les effets  que donnent certains mordants/modificateurs.

Laines teintes à la cochenille
Laines teintes à la cochenille

Ici, la même laine mordancée à l’alun, le bain a été divisé en deux, pour la laine violette on a ajouté un peu de fer, pour la rouge de la crème de tartre.

Par la combination des mordants, on peut obtenir des dégradés de modifications. Michel Garcia illustre particulièrement bien dans ses livres et ses DVD les technique de dégradés et de mélanges de mordants.

Ces techniques ont permis d’imprimer en grandes quantités les indiennes, toiles de coton, a motifs variés et très colorés, à la mode au XIXème siècle, grâce aux techniques du tampon. Technique encore en usage en Inde.

Tampon en bois pour l'impression - Inde
Tampon en bois pour l’impression – Inde
Tampon en bois pour l'impression - Inde. un tampon pour chaque mordant, la même toile peut passer dans différents bains de teinture et de nettoyage...
Tampon en bois pour l’impression – Inde. un tampon pour chaque mordant, la même toile peut passer dans différents bains de teinture et de nettoyage…

C’est passionnant et très amusant.

Nous avons vu un DVD de Michel Garcia
Nous avons vu un DVD de Michel Garcia

Lors d’un des ateliers à La Redonda, Santa Fe, Argentine, nous avons regardé un de ses DVD, il y avait une des assistantes qui était chimiste de profession, et nous avons testé ces mélanges.

Les stagiaires ont préparé des solutions de mordants (fer et aluminium) plus ou moins concentrés dans du vinaigre et elles les ont testés en peignant sur des toiles de coton
Les stagiaires ont préparé des solutions de mordants (fer et aluminium) plus ou moins concentrés dans du vinaigre et elles les ont testés en peignant sur des toiles de coton
Certaines ont suivi les explications presque au pied de la lettre, nous avons ajoutè le sulfate de cuivre en bleu clair
Certaines ont suivi les explications presque au pied de la lettre, nous avons ajoutè le sulfate de cuivre en bleu clair
D'autres ont commencé à dessiner tout de suite
D’autres ont commencé à dessiner tout de suite
La toile d coton doit sécher et pourra être teinte
La toile d coton doit sécher et pourra être teinte

Vous pouvez en savoir plus sur ces ateliers de Santa Fe dans la présentation pour l’IFPECO de Madagascar en 2017 disponible sur academia.edu et sur slideshare.net.

Magie des combinaisons

Quelle magie, les couleurs se combinent bien, on n’a pas besoin de les séparer avec une couleur neutre: blanc, gris, beige, marron. noir… Rien n’est trop criard. C’est encore une histoire de chimie verte, chaque plante contient un certain nombre de colorants, certains de ceux-ci se répètent dans différentes plantes…

Il y a donc comme un continuum entre les différentes couleurs à l’opposé des anilines qui sont des colorants purs, sans mélanges…

Echantillons de couleurs végétales obtenues sur soie par Aranya Natural - Fondation Indienne
Echantillons de couleurs végétales obtenues sur soie par Aranya Natural – Fondation Indienne

Magie de recycler

La teinture naturelle permet de recycler un certain nombre de déchets de cuisine, de jardinage… C’est magique d’économiser sur une partie des matières premières. J’ai recyclé tant de déchets en teinture que j’ai déjà consacré un article complet à ce sujet.

D’autant plus que l’idéal est de travailler avec de l’eau de pluie qu’il est souvent facile de récupérer. Certains mordants peuvent être aussi de récupération, vinaigre de mauvais vin ou cidre qui tourne (mais aussi fait à partir de n’importe quel déchet sucré ou qui contient de l’amidon), cendres et même urine, si cela ne vous fait pas peur (cela est utilisé traditionnellement partout dans le monde), vieux clous ou ferrailles pour la “soupe de clous“… Même les casseroles peuvent être de récupération, une fois, quand j’étais en France chez mes parents, j’ai accompagné mon père à la déchetterie ou il voulait se débarrasser de choses encombrantes, et nous sommes revenus avec deux casseroles et une pile de drap ou de nappes anciennes en lin, en parfait état et tout propres… Tout cela m’a bien sûr beaucoup servi…

Casserole récupérée à la déchetterie de Loches, avec des ecoprint entrain de macérer
Casserole récupérée à la déchetterie de Loches, avec des ecoprint entrain de macérer

Magie des teintures spéciales

Teindre c’est très intéresssant, mais si on peut faire des dessins non teints sur une surface teinte, c’est encore mieux, d’autant que cela permet de faire des toiles multicolores! Ce sont les techniques de réserves.

Ikat

C’est une technique très ancienne, pratiquée dans différentes partie du monde (en Amérique Latine, elle est encore pratiquée au Pérou, et par les Mapuche sur la laine). Je l’ai vue pratiquée en Malaisie, quand je suis allée à l’ISEND de Kuching et à Madagascar lors de l’IFPECO 2017.

Ikat de raphia et soie domestique, création de Terre-Là, association de femmes à Mahajunga, Madagascar, animée par Andrée Mathilde Etheve
Ikat de raphia et soie domestique, création de Terre-Là, association de femmes à Mahajunga, Madagascar, animée par Andrée Mathilde Etheve
Détail d'un ikat exposé pendant l'IFPECO de Madagascar
Détail d’un ikat exposé pendant l’IFPECO de Madagascar
Nouage d'un ikat de raphia, lors de l'exposition à l'Alliance Française d'Antananarivo
Nouage d’un ikat de raphia, lors de l’exposition à l’Alliance Française d’Antananarivo
Elimination des liens de réserve sur une chaîne d'ikat en raphia teinte à l'indigo, à l'Alliance Française d'Antananarivo
Elimination des liens de réserve sur une chaîne d’ikat en raphia teinte à l’indigo, à l’Alliance Française d’Antananarivo
Chaîne d'ikat prête à être tissée, motifs traditionnels malgaches
Chaîne d’ikat prête à être tissée, motifs traditionnels malgaches

C’est une technique qui demande beaucoup de temps, car il faut attacher les fils de chaîne (mais aussi parfois de trame ou des deux à la fois) de manière à empêcher les colorants de pénêtrer sur ces zones, l’opération peut être répétée plusieurs fois à différents endroits si on veut des dessins multicolores.

Puis on monte la chaîne sur le métier définitif et on tisse. Le résultat peut montrer de petits décalages qui sont typiques de cette technique.

A Kuching, j’ai vu des pièces en coton fin, filé à la main, avec des dessins traditionnels très compliqués avec au moins deux bains de teinture. Edric Ong propose des vêtements en soie avec double ikat combiné avec le Batik.

Ikat ancien, représentant un rêve. selon la tradition, exposé au Muséede Kuching
Ikat ancien, représentant un rêve. selon la tradition, exposé au Muséede Kuching
Démonstration de tissage d'ikat au Musée de Kuching
Démonstration de tissage d’ikat au Musée de Kuching
Création du dessin du rêve, nouage des réserves
Création du dessin du rêve, nouage des réserves
Ikat en cours de tissage, celui-ci a eu deux bains de teintures avec création de réserves au préalable
Ikat en cours de tissage, celui-ci a eu deux bains de teintures avec création de réserves au préalable

Batik

Le batik est une autre technique de réserve, cette fois-ci sur la toile tissée, à l’origine en utilisant de la cire chaude, mais aussi en utilisant des pâtes qui serviront de blocage pour la teinture, généralement à base de farines…

L’usage de la cire exige de travailler avec des bains froids ou tièdes, car la cire d’abeilles fond à 60º C.

Avec mon ami Hilaire à Madagascar nous avons essayé le batik avec de la cire d’abeilles sur de la soie que nous avons teinte à la cochenille.

Le résultat n’était pas tout à fait celui prévu, nous avons eu beaucoup de difficultés à enlever la cire qui a d’ailleurs laissé des marques jaunes, le résultat a été cependant assez satisfaisant, l’écharpe s’est vendu dans la semaine qui suivait, elle est partie en France.

Batik sur soie à la cochenille qui vient juste de sortir de la casserole
Batik sur soie à la cochenille qui vient juste de sortir de la casserole
Après élimination de la cire
Après élimination de la cire
Artiste indonésien faisant une démonstration de batik lors des atelier de l'ISEND à Kuching, après l'application de la cire chaude au pinceau, il vaporisait des teintures d'autres couleurs sur la toile tendue entre deux poteaux
Artiste indonésien faisant une démonstration de batik lors des atelier de l’ISEND à Kuching, après l’application de la cire chaude au pinceau, il vaporisait des teintures d’autres couleurs sur la toile tendue entre deux poteaux

Shibori

Le shibori est une technique très pratiquée encore aujourd’hui au Japon, où de nombreuses variantes ont été développées et poussées à l’extrême, mais on la rencontre traditionnellement en Afrique et sur des textiles préincas au Pérou (Paracas, il me semble).

Cela fonctionnent bien avec des toiles fines (et même sur papier comme le fait Ana Lisa Heldstrom qui a édité des DVD à ce sujet, j’ai eu la chance de la rencontrer lors de l’IFPECO de Madagascar en 2017), car on y applique des noeuds et/ou des broderies qui sont éliminés après teinture. Ces attaches qui doivent être très serrées empêchent la pénétration des teintures et permettent des effets très variés.

Shibori basique qui commence à changer de couleur, double magie, celle de l'indigo et la créativité des noeuds
Shibori basique qui commence à changer de couleur, double magie, celle de l’indigo et la créativité des noeuds

Ecoprint

Il ne s’agit pas d’une technique de réserve mais plutôt d’impression, bien que parfois les feuilles agissent aussi comme réserve…

L’ecoprint est une technique récente, née en Australie qui permet de teindre avec seulement des feuilles, des tiges, éventuellement des pièces en fer rouillé… Cette technique ne nécessite pas forcément d’être chauffée, si l’on est patient… Dans cette techniques, les feuilles, les fleurs, les vieux clous… s’impriment de différentes manières, c’est si magique que je lui ai consacré un article.

Ecoprint sortant de la casserole, il faut terminer d'enlever les feuilles
Ecoprint sortant de la casserole, il faut terminer d’enlever les feuilles
Détail lors du repassage, feuille de rosier
Détail lors du repassage, feuille de rosier

Une variante de l’ecoprint que nous avons testé à La Redonda, est le martelage de feuilles entre deux tissus.

On martèle la feuille avec un marteau de carreleur en caoutchouc, ici feuille de ricin
On martèle la feuille avec un marteau de carreleur en caoutchouc, ici feuille de ricin
Résultat avant lavage
Résultat avant lavage
Impression révélée et fixée dans un bain de soupe de clous (acétate de fer)
Impression révélée et fixée dans un bain de soupe de clous (acétate de fer)

Magie de vivre et travailler avec des produits sains

Pour commencer il vaut mieux teindre des fibres naturelles, cela tombe bien, c’est meilleur pour la santé et on les trouve normalement adaptées au climat… Le coton pousse dans des régions chaudes où il convient de le porter, la laine provient plutôt de zones plus fraîches et permet de mieux se protéger du froid…

De plus, la majeure partie des plantes tinctoriales sont médicinales…et même souvent comestibles.

Vivre la magie

Je vous invite donc à vivre la magie de la teinture naturelle, teinture “slow”, responsable, “recyclante”, respectueuse de la nature, à portée de main de tout un chacun. C’est ma vie depuis plus de 10 ans, cela m’a aussi permis de voyager et d’en apprendre encore plus…

Ces voyages ont toujours été trop courts, c’est pourquoi je prévois un tour du monde technologique de la teinture naturelle et des textiles… J’espère pouvoir m’échapper rapidement vers de nouvelles cultures…

Préjugés sur la teinture

Que de préjugés!

Il y a beaucoup trop de préjugés concernant les teintures naturelles. Nous allons donc passer en revue les principaux préjugés qui circulent par ici et sur internet…

C’est long

Il est évident qu’il faut plus de temps pour teindre naturellement, mais tout travail artisanal est long. Mais quand on travaille avec des matériaux nobles (demandez à un orfèvre combien de temps il passe à limer, poulir et nettoyer ses pièces), il ne faut pas le faire dans l’urgence, cela ne peut que nuire au résultat.

Il faut prendre le temps de récolter les plantes (sauf si vous travaillez avec des colorants naturels préparés), bien laver les fibres, mordancer… laisser tremper… Mais il faut voire le bon côté des choses, c’est quand même agréable de ramasser des plantes qui vont nous offrir de si belles couleurs.

Le temps passé à teindre n’est rien à côté du temps passé à préparer et filer les fibres, nous travaillons donc avec des matières nobles qui méritent mieux que quelques poudres pétrochimique qui contiennent souvent du chrome, du cadmium ou d’autres métaux toxiques.

Il faut à peu près 3 kg de plantes pour un kilo de laine, cela signifie que la casserole est occupée essentiellement par les plantes et qu’il ne reste que peu de place pour les fibres, si l’on teint en un seul bain. ce qui est le plus économique en énergie. Si l’on filtre le bain de teinture, qu’on le laisse refroidir, comme il se doit pour ne pas endommager les fibres (surtout pour la laine et la soie), il faut être patient pour faire le second bain…

Casserole pleine de plantes, ici certainement de la sorona ou brea, avec peu de laine, sans préjugés, nous utilisons ici des
Casserole pleine de plantes, ici certainement de la sorona ou brea, avec peu de laine, sans préjugés, nous utilisons ici des “mauvaises” herbes qui donneront un joli jaune

C’est difficile

Nos ancêtres qui n’avaient pas tous moyens techniques dont nous disposons le faisaient et même mieux que la plupart d’entre nous. Sans doute prenaient-ils leur temps. Souvent, les teinturiers traditionnels n’obtiennent que certaines gammes de couleurs et se spécialisent avec les moyens à leur disposition, certaines connaissances techniques et botaniques se perdent car elles ont été discréditées… Certaines plantes disparaissent avec leur milieu…

Malgré toutes ces difficultés on peu trouver des plantes tinctoriales, même dans la cuisine. dans la rue…

Teinture au feuilles de carrotes. essais de différentes fibres, mordancées à l'alun, lors d'un atelier à La Redonda, Santa Fe, Argentine
Teinture au feuilles de carrotes. essais de différentes fibres, mordancées à l’alun, lors d’un atelier à La Redonda, Santa Fe, Argentine

C’est facile

Penser que c’est facile, n’est pas mieux. N’importe quoi peut colorer mais ne teint pas de manière correcte, Il y a des informations qui se perdent à chaque transmission.

Certaines teintures, même faciles à mettre en oeuvre comme les épluchures d’oignons ne fonctionnent pas toujours, il faut utiliser celles des vieux oignons de garde et laisser tremper quelques jours avant.

Quand c’est trop facile, il n’y a plus de magie, ici on a intérêt à développer de bonnes notions de chimie et de botanique, ces deux deux sciences peuvent être utiles dans d’autres domaines de la vie.

C’est sale

Un des mots latins pour désigner les teinturiers était “infectores”, il est vrai que certaines plantes tinctoriales peuvent être assez puantes (sans parler des techniques d’extraction de la pourpre des murex), parfois et même souvent on utilisait l’urine (une amie de l’île Maillen, tout près de Puerto Montt, me racontait que quand sa mère voulait teindre, elle faisait uriner ses 9 enfants dans un seau).

L’urine est utilisée traditionnellement dans beaucoup de techniques artisanales anciennes (soudure en bijouterie, avant que les Arabes nous fassent découvrir le borax, et elle devait provenir d’un petit garçon avant sa puberté, sa composition chimique change par la suite et elle ne sert plus), de même que les bouses de vaches et crottins de cheval (moules pour fondre à la cire perdue)… Autrefois, on tannait les peaux avec des crottes de chiens (grâce à des bactéries qu’elles contiennent)…

Il n’y a pas à s’étonner que l’urine ait été utilisée en teinture, elle servait de mordant, pour les bains d’indigo… Nous avons d’autres substituts. Cependant, l’urine sort stérile de notre corps et de nombreuses médecines traditionnelles, telle l’ayurvédique (Inde) l’utilise abondamment…

Je me demande jusqu’à quel point nos antiseptiques chimiques (chlore, mercurochrome, formaldéhide, trichlosan…) généralement cancérigènes sont propres?..

Cependant, la plupart des teintures naturelles respectent nos notions d’higiène actuelles, qui ne sont pas aussi anciennes que l’on pourrait le croire (la plupart datent seulement du XIXème siècle). Il y aurait beaucoup à commenter à ce sujet.

On n’obtient pas ce qu’on veut

Pour cela, il existe des systèmes de tests, de gamme de couleur. Michel Garcia a beaucoup travaillé sur ce sujet dans ses livres et ses DVD et démonte cee genre de préjugés. Mais la réplication à l’identique n’est pas forcément souhaitable, s’agissant d’un travail artisanal, sauf dans des cas précis comme la restauration de textiles anciens.

La surprise est aussi excitante, quand on ouvre un shibori ou un ecoprint, c’est très gratifiant.

Ecoprint sur soie, à Madagascar avec Hilaire
Ecoprint sur soie, à Madagascar avec Hilaire

Toutes les couleurs ne peuvent pas être obtenues

Sauf, les couleurs fluo, toutes les couleurs de l’arc-en-ciel et du prisme peuvent être obtenues, certaines plus facilement que d’autres, j’en conviens, mais beaucoup de connaissances botaniques de nos ancêtres se sont perdues, certaines plantes on pu disparaître.

Il faut aussi savoir que beaucoup de plantes tinctoriales étaient cultivées sur de grandes extensions, notamment pour les rouges (garance et figuiers de barbarie pour la cochenille) et les bleus (pastel et indigofera), et jouaient un rôle économique très important.

Echantillons de différentes fibres teintes naturellement à Lauris lors d'un atelier de Marie Marquet à Couleur Garance
Echantillons de différentes fibres teintes naturellement à Lauris lors d’un atelier de Marie Marquet à Couleur Garance

C’est trop pâle!

Il y a certainement un problème de mordançage, de qualité des fibres (sont-elles vraiment naturelles?) et de quantité de matières tinctoriales. Les couleurs pastel peuvent être intéressantes et j’ai aussi consacré un article aux déceptions qui peuvent nous arriver quand on débute.

Cette fleur bleue doit donner du bleu…

Il s’agit d’une grosse erreur, les couleurs son profondément cachées dans la chimie de la plante et est rarement apparente, la plupart des fleurs violettes donnent des jaunes, l’indigo est dissimulée dans les feuilles de certaines plantes, et le rouge de la garance dans ses racines… La lavande m’a donné un beige jaunâtre foncé…

Cela ne marche pas

Ce n’est pas parce que l’on nous dit sur internet que c’est facile que cela fonctionne toujours au premier coup, il s’agit d’un apprentissage qui demande de nombreux essais, il y a de nombreux paramètres à prendre en compte.

Il ne faut pas oublier que certaines fibres, en particulier parmi les synthétiques, ne prendront jamais la teinture.

Il circule aussi de nombreux mensonges tels que la teinture à la betterave rouge… Je la pratique comme contre exemple lors de mes formations

Teinture aux feuilles de betterave, bien émincées pour qu'elles donne plus de couleur. contre exemple lors d'un atelier à Santa Fe, Argentine
Teinture aux feuilles de betterave, bien émincées pour qu’elles donne plus de couleur. contre exemple lors d’un atelier à Santa Fe, Argentine

Ce n’est pas solide

Je parle longuement du sujet des grands et petits teints dans un article dédié à ce sujet. Le type de fibres teintes et le lavage (pour enlever tout type d’apprêt, de charge et de graisse) et le mordançage sont des sujets de première importance…

Ce n’est pas stable

Il s’agit d’une variante du sujet précédent, le curcuma, le choux rouge, le jus de mûres, et de nombreux fruits peuvent donner de jolies couleurs, mais elles ne sont pas stable et varient au contact d’acides et des bases… Il est certainement facile de teindre ou plutôt de colorer avec, mais il faut savoir que le résultat ne sera pas durable, c’est peut-être un peu dommage si l’on teint des laines spéciales ou de la soie…

Par contre, ces teintures peuvent être intéressantes pour teindre des sels de bains, des savons… ou pour peindre avec des enfants.

Cela coûte cher

On peut teindre avec des déchets, comme je l’explique dans un article précédent. Et on peut obtenir d’excellents résultats, si l’on se donne la peine d’essayer. Quand j’ai commencé à teindre à La Ligua, puis à Longotoma, je n’avais que très peu de moyens, mais j’ai beaucoup appris ainsi, peut-être plus que maintenant où je vis chez Rincón de Angel, ou j’ai toutes sortes de laines à ma disposition.

L’essentiel du coût est de réserver une bonne casserole pour la teinture (ne plus l’utiliser pour la cuisine) et l’énergie pour chauffer les bains, ce qui n’est pas toujours nécessaire.

On ne peut pas faire cela avec des enfants

Encore une fois, cela est faux, avec un minimum de précautions, mais il est tout à fait possible de teindre avec des enfants, ils se passionneront vite pour les couleurs saines. J’ai déjà consacré un article à mes expériences dans ce domaine.

Atelier teinture a7ux pelures d'oignons et cochenilles avec des enfants, médiathèque de Loches
Atelier teinture a7ux pelures d’oignons et cochenilles avec des enfants, médiathèque de Loches

Et si on essayait d’oublier les préjugés

Une fois que l’on aura écarté tous ces préjugés, il faut choisir les bonnes plantes sur les bonnes fibres, avec le bon mordançage et la voie est ouverte à de nombreuses recherches et applications.

Pour lutter contre ces préjugés

Le mieux, c’est teindre le plus souvent possible, faire le maximum d’essais, ici aussi l’expérience est notre meilleure alliée. C’est la pratique qui nous enseigne, car les livres peuvent être très utiles, mais ni les photos, ni les mots ne peuvent remplacer les essais que l’on peut faire et qui donne parfois des résultats différents de la théorie.

Envoyons ballader les préjugés et découvrons la magie des teintures naturelles…

Connaître 5 choses

/// Connaître 5 choses ///
J’ai mis à jour cet article le 29 janvier 2020
Prochain retour en France du 25 février au 12 novembre
Organisons donc des ateliers! C’est facile

5 choses à savoir pour teindre naturellement

Il y a beaucoup à connaître pour bien teindre avec les plantes, mais n’ayez pas peur, il y a seulement quelques règles à suivre. Ensuite, il faut tester, essayer, réfléchir sur les résultats.

Les anciens teinturiers élaboraient des nuanciers très précis, comme celui que commente Dominique Cardon dans son livre.

Livre de Dominique Cardon commentant un cahier d'échantillons d'un teinturier peu avant la Révolution Française
Livre de Dominique Cardon commentant un cahier d’échantillons d’un teinturier peu avant la Révolution Française

Au Moyen âge, en Europe, comme l’explique Michel Pastoureau, les teinturiers étaient très spécialisés en une ou au grand maximum deux couleurs.

1. Connaître les fibres

Premièrement, il faut se donner la peine de connaître les fibres, sous peine de gaspiller de l’énergie et de la matière tinctoriale inutilement. C’est anti-économique et anti-écologique. Encore une histoire de chimie…

En effet, toutes les fibres n’ont pas la même affinité pour les teintures et cela un problème ancien, les Européens ont longtemps espionné en Orient pour obtenir le rouge d’Andrinople sur coton…

Et maintenant, avec toutes les fibres et artificielles et synthétiques, le problème s’est complexifié, il est parfois difficile de savoir la composition d’une fibre et si celle-ci va pouvoir se teindre. Il ne reste plus qu’à faire des tests.

Le lavage

Il faut aussi se donner la peine de bien laver les fibres pour bien les dégraisser. En effet, pour la filature industrielle, on pratique ce qui s’appelle l’ensimage. Cette opération consiste à pulvériser des huiles sur les fibres, sinon elles s’accrocheraient dans les machines et les bloqueraient.

Ce traitement s’applique à tous les types de fibres.

Il faut donc éliminer ces huiles d’ensimage (pour certains laines bas de gamme, il s’agit de parafine, ce qui pas très sain), sinon on teindrait les huiles et la teinture s’en irait au lavage. C’est aussi ce qui arrive à ceux qui dégraissent mal leurs laine de mouton avant de teindre.

Cependant, pour la filature artisanale, il est beaucoup plus agréable de filer la laine sale (avec sa précieuse lanoline) et de la dégraisser une fois filée.

Que  faire?

Il faut faire bouillir les fibres, sans choc thermique, avec du savon neutre. Ne pas oublier de laisser refroidir avant rinçage. Puis, on peut mordancer et teindre.

Les différentes fibres ont leur texture particulière qui peut s’apprécier au microscope et explique les raisons pour lesquelles elles sont ou moins faciles à teindre. Ces structures microscopiques interviennent lors de la teinture en complément de la composition chimique de la fibre.

Tests de reconnaissance

Il existe de nombreux tests pour reconnaître les fibres, peut-être dans un prochain article sur ce site, ou sur le nouveau en espagnol, je publirais un article résumant les différents livres qui traitent du sujet.

Lors du premier atelier à Santa Fe, Argentine, une des stagiaires qui était pharmacienne, nous a fait un petit résumé. Nous avions testé les toiles supposées être en coton, pour ne pas avoir de mauvaises surprises.

Nous avons brûlé des échantillons pour constater leur odeur typique de papier brûlé et nous avons fait aussi un test de teinture au thé (une des teintures les plus solides).

Tests des toiles brûlées
Tests des toiles brûlées
Test de la teinture au thé
Test de la teinture au thé

Heureusement, nous n’avons pas eu de mauvaises surprises.

Fibres animales ou protéiques

C’est le meilleur des cas, il s’agit de la laine de mouton, des poils d’animaux divers (alpagas et autres camélidés, lapins et chèvres, angora, poils de chiens, cheveux humains… et bien sûr la soie).

Même dans cette catégorie, la teinture n’affectera pas de la même manière, même entre les différents poils… Certains sont plus lisses et ont plus de mal à se teindre ou plutôt nécessitent une plus grande quantité de matière tinctoriale.

La soie doit être traitée avec plus d’attention, car elle est plus fragile.

En général, les fibres animales supportent assez bien les acides dilués, mais plutôt mal les produits alcalins ou basiques.

Fibres végétales ou cellulosiques

Ici on retrouve: le lin, le coton, la ramie, le raphia, le sisal, le jute, le chanvre, fibres de bambou, de bananier, de bouleau, d’ortie, de liber de tilleul… nombreuses fibres végétales ont été oubliées et demandent à être redécouvertes… Pour certains textiles archéologiques, il n’a pas encore été possible de déterminer à quelle plante appartiennent les fibres.

Différentes fibres, de haut en bas, soie sauvage, soie domestique non décreusée, soie décreusées (fibres animales), puis sisal, fibre de bananier et raphia de Madagascar
Différentes fibres, de haut en bas, soie sauvage, soie domestique non décreusée, soie décreusées (fibres animales), puis sisal, fibre de bananier et raphia de Madagascar

Si l’on désire que la teinture se maintienne, surtout dans le cas des vêtements qui doivent pouvoir être lavés… sauf cas de teinture avec des plantes à tanins, il faudra mordancer d’une manière spéciale.

Contrairement aux fibres animales, les fibres végétales supporte bien les produits alcalins ou basiques et plutôt mal les acides.

Fibres artificielles, bien les connaître

En général, elles sont à base de cellulose végétale fondue et refilée, comme c’est le cas de la viscose (qui se teint très bien), mais les procédés d’obtention sont généralement très polluants (à base de solvants organiques volatiles tels que l’acétone) et en outre sont souvent très inflammables…

Mais il en existe aussi à base de protéines comme le lanital à base de lait, des fibres de soya… Il me semble cependant insensé d’élever des vaches pour ne récupérer que la caséine de leur lait pour faire des fibres, alors qu’on a que l’embarras du choix avec les plantes… et par ailleurs des gens meurent de faim!

Je n’ai donc pas testé ces fibres et je ne pense pas le faire.

Fibres synthétiques, à connaître aussi

Elles sont très nombreuses et changent de noms selon les pays, il en apparaît toujours de nouvelles et sont souvent mélangées entre elles ou avec des laines, du coton ou d’autres fibres…

Il faut donc tester, il me semble que les fibres naturelles sont toujours supérieures.

Fibres minérales

Il s’agit de:

  • fibres métalliques (or, argent, cuivre…)
  • amiante (interdit car cancérigène)
  • fibres de verre

Elles ne peuvent pas être teintes naturellement.

Autres matières

Plumes

Les plumes se teignent bien car elles sont d’origine protéique.

Il est à noter que selon une découverte récente, la couleur des plumes n’est pas due à des pigments ou colorants (sauf quelques cas de jaunes), mais à des trous microscopiques qui absorbent ou reflètent la lumière de manière différente selon leur forme…

Papier

Le papier se teint très bien, surtout s’il n’est pas blanchi au chlore. Comme il ne doit pas être lavé, cela donne plus de liberté.

Nous avons fait des tests lors des cours à la Redonda, Santa Fe (Argentine).

Echantillon de papier teint avec les fleurs de jacaranda, lors de l'atelier à Santa Fe, Argentine
Echantillon de papier teint avec les fleurs de jacaranda, lors de l’atelier à Santa Fe, Argentine

 J’ai aussi suivi un cours passionnant qu’avait donné une artiste du papier naturel (Aydée …) à Lauris, chez Couleur Garance. Elle avait teint des fibres de papier végétal avec de la garance, c’était très beau.

Papier végétal artisanal avec fibre teintes avec racines de garance moulues
Papier végétal artisanal avec fibre teintes avec racines de garance moulues

Le papier peut aussi être travaillé en ecoprint, c’est vraiment très beau.

Bois

Le bois peut être teint, mais vu que c’est un matériaux très absorbant, il vaut mieux faire des laques à base de pigments végétaux, ainsi que l’explique Michel Garcia.

Le rotin, ainsi que de nombreuses fibres utilisées en vannerie est souvent teint.

Pierres, coquilles, céramique, plâtre

Cela peut être possible dans certains cas, nous avons fait des essais à La Redonda à Santa Fe, Argentine, mais ce sont aussi des matériaux très absorbants.

Coquillages teints avec les peaux d'oignons lors de l'atelier à la Esquina Encendida, Santa fe, Argentina
Coquillages teints avec les peaux d’oignons lors de l’atelier à la Esquina Encendida, Santa fe, Argentina
Coquillages teints avec diffèrentes plantes et de la cochenille pour le mauve, parfois avec des échantillons de laines qui les ont accompagnés lors de la teinture
Coquillages teints avec différentes plantes et de la cochenille pour le mauve, parfois avec des échantillons de laines qui les ont accompagnés lors de la teinture
Perles en céramique sortant de leur bain de teinture, à La Redonda, Santa Fe
Perles en céramique sortant de leur bain de teinture, à La Redonda, Santa Fe

J’ai essayé de teindre des perles de rivière avec la cochenille, elles ont pris un ton rosé très pâle et ont perdu un peu de leur éclat.

J’aimerai bien pouvoir teindre de la cire, pour faire des crayons de cire et des bougies.

Récemment des étudiants de Santiago m’ont contactée pour teindre des préparations de laboratoire en biologie, pour les observer au microscope.

2. Connaître les plantes

C’est indispensable, car il faut s’attendre à des résultats similaires avec des plantes de la même famille. Mais, on peut parfois avoir des surprises, de plus, il vaut mieux éviter les plantes toxiques.

Palqui ou parqui, à Concón, plante toxique à connaître
Palqui ou parqui, à Concón, plante toxique à connaître

Il convient de savoir quelles parties utiliser dans la plante, les colorants se concentrent parfois dans certaines parties. Souvent la couleur est bien cachée.

Exemple

Palo Brasil, lors de mon voyage au Brésil, Rodrigo cultivait des arbustes de cette essence très connue pour sa teinture rouge qui a donné le nom au pays.

Sachant que cet arbre est rare, je n’ai utilisé que quelques feuilles et brindilles en ecoprint.

Malheureusement, il n’a été d’aucun effet. La partie de l’arbre utilisée habituellement est le bois de coeur.

Connaître Palo Brasil
Connaître Palo Brasil

Connaître les plantes à tanins

J’ai déjà rédigé deux articles sur le thèmes des plantes à tanins et sur les couleurs qu’ils nous permettent d’obtenir.

Grenadier en fleur, avec quelques fruits en formation, bonne plante à tanins, à mieux connaître
Grenadier en fleur, avec quelques fruits en formation, bonne plante à tanins, à mieux connaître

Connaître les plantes à flavonoïdes

Elles sont très nombreuses. Je parle aussi longuement des plantes à flavonoïdes et des autres plantes à jaunes dans un article, je me permets donc de vous y renvoyer pour ne pas me répéter inutilement.

Les feuilles de ronces avec les jeunes rameaux, excellente solution de taille, teignent d'un joli jaune, en dégageant une agréable odeur de confiture, présence de tanins, les épines piquent encore après cuisson
Les feuilles de ronces avec les jeunes rameaux, excellente solution de taille, teignent d’un joli jaune, en dégageant une agréable odeur de confiture, présence de tanins, les épines piquent encore après cuisson

Connaître les plantes à anthocyanes

Il s’agit de la plupart des baies et fruits rouge à noir, les plantes pourpres, la plupart des fleurs, ce ne sont généralement pas des colorants très stable ni chimiquement, ni à la lumière…

Ecoprint trés fleuri, connaître les plantes et les fibres
Ecoprint trés fleuri, connaître les plantes et les fibres

Connaître les plantes à anthraquinones

Elles donnent de jolis tons roux, rouge… beaucoup appartiennent à la famille des rubiacées, comme la garance, principal représentant en Europe, mais il existe des équivalents partout dans le monde.

Connaitre les plantes, test d'Ikat, garance
Connaitre les plantes, test d’Ikat, rouge de garance

Connaître les plantes à indigo

Les plantes à indigo nous donnent le bleu, couleur rare dans la nature. En combinaison avec une teinture avant ou après en jaune, on peut obtenir de jolis verts, ce qui est généralement difficile à obtenir avec une seule plante.

En combinaison avec les roses et rouges, on obtient des violets et pourpres, ces combinaisons étaient déjà utilisées dans l’antiquité pour imiter la pourpre des coquillages.

Dans toutes les régions du monde, il y a des plantes à indigo, on peut citer les différents indigotiers, le pastel, la renouée des teinturiers, le strobilanthes, les différents indigofera… Certaines autres ont été complètement oubliées ou n’ont pas été exploitées.

Connaître les champignons et les lichens

Un certain nombre  de champignons, généralement toxiques teignent et permettent d’obtenir tout l’arc-en-ciel. Malheureusement, j’ai bien lu plusieurs livres à ce sujet en plus des chapitres concernant les champignons dans les livres de Dominique Cardon et de Marie Marquet. Mais je n’ai guère eu l’occasion d’essayer, à part quelques lichens, appelés au Chili “barba de palo” qui donne des jaunes-roux intéressants… Les lichens poussent très lentement, il convient donc de ne pas abuser de leur cueillette.

Connaître les teintures animales

Cochenilles, kermès, lack et pourpre de murex ou autres coquillages sont depuis longtemps uilisés pour des teintures de grand luxe.

De tout cela, il ne reste à grande échelle, que la cochenille provenant du Mexique ou du Pérou et plus généralement d’Amérique Latine, parfois élevée ailleurs (îles Canaries, par exemple).

Le lack en Inde, set toujours produit, mais pour la résine et non plus pour le colorant, comme l’explique Dominique Cardon.

Connaître ecoprint dye lacq et garance
Connaître ecoprint dye lacq et garance

Quant à la pourpre de coquillages, elle est presque anecdotique malgré des recherches très intéressantes menées à Carthage (Tunisie)… Au Chili, les “locos” et “locates” très appréciés pour leur chaire, possèdent aussi une glande à pouvoir tinctoriale, mais elle est généralement rejetée à la mer lors du nettoyage des fruits de mer… Quel gâchis…

Connaître des coquillage à teinture
Connaître des coquillage à teinture

Connaître les mensonges

Tout ce qui tache ne teint pas!

La betterave rouge ne teint pas en rose, quelque que soit le mordant choisi. Lors des formations, je l’enseigne comme contre exemple.

3. Connaître les mordants

Connaître les mordants chimiques

Je parle longuement des mordants dans des premiers articles que j’ai écrits.

En principe, je travaille avec de la pierre d’alun (sulfate double d’aluminium et de potassium) ou du sulfate d’aluminium simple, de la soupe de clous (acétate de fer), du sulfate de fer, et assez rarement avec du sulfate de cuivre.

Connaître les mordants toxiques

Dans le passé, les industries textiles et papetières (de même que les tanneries) n’hésitaient pas à utiliser le plomb, l’arsenic et bien d’autres produits dangereux pour la santé, comme le cuivre, le chrome et l’étain…

J’étais assez surprise, il y quelques temps, de voir sur facebook, une femme aux Etats-Unis, faire des essais de teintures naturelles avec des eaux d’une source très chargée en lithium…

Il me semble que les mordants, vu qu’ils aident à fixer la teinture sur leur support doivent se maintenir présents sur celui-ci. Ce qui n’est pas le cas des catalyseurs qui facilitent une réaction, mais ne doivent pas rester dans le produit final. Donc, si on utilise un produit dangereux son contact lors de l’utilisation des vêtements peut causer divers problèmes de santé.

C’est ainsi que de nombreuses personnes ont été empoisonnées au XIXème siècle (entre autres, paraît-il même Napoléon Ier) par des papiers peints (verts) à l’arsenic qui avec le temps dégageaient des gaz nocifs (voir Michel Pastoureau).

Le chrome aussi utilisé en tannerie, qui intervient dans de nombreuses teintures kaki chimiques, serait mis en cause dans de nombreux cas d’allergies et de cancers de la peau, concernant en particulier les militaires…

Livre sur le vert de Michel Pastoureau, quelle patience pour nous donner à connaître autant informations!
Livre sur le vert de Michel Pastoureau, quelle patience pour nous donner à connaître autant informations!

Connaître les mordants naturels

Il y a beaucoup à faire pour redécouvrir les mordants naturels, les associations de plantes… Pour cela, il faut étudier de très près les techniques des teinturiers traditionnels, écouter avec patience, faire des essais, car ils connaissent mieux que nous les plantes bioaccumulatrices. Celles-ci accumulent dans leurs tissus certains métaux: aluminium, fer, cuivre… et savent les utiliser à bon escient.

L’idée de mordancer avec des plantes, est à la fois économique et plus sain. Ces pratiques ancestrales sont entrain de se perdre. Il conviendrait donc de les étudier en détails avant qu’elles ne disparaissent définitivement.

Les anciens teinturiers européens qui ont laissé des informations écrites n’utilisaient que les mordants chimiques. Il faut donc revisiter les traditions orales. Elles sont d’une valeur inestimable.

4. Connaître la patience

Teindre avec la nature suppose d’aller à son rythme, de bien la connaître. Il faut donc être patient et rentrer dans un monde “slow” qui prend son temps pour bien faire les choses comme il faut…

Parfois, il faut semer des plantes tinctoriales pour pouvoir teindre avec. Et dans certains cas, il faut attendre jusqu’à 5 ans pour qu’elle donne une bonne qualité de teinture, comme dans le cas de la garance…

Si on veut travailler par fermentation, la teinture elle-même peut prendre facilement un mois…

Il faut aussi prendre le temps de faire des recherches, d’étudier des recettes, de faire des tests, de laisser tremper et refroidir… L’urgence est mauvaise conseillère. Il faut laisser le temps à la nature pour qu’elle libère ses couleurs.

Connaître son eau

L’eau que l’on utilise pour teindre a aussi son importance. Son acidité ou sa dureté, ainsi que la présence de différents minéraux et métaux influencent les teintures.

À Mamiña, petit village d’eaux thermales au Nord du Chili, à 120 km à l’Est d’Iquique, il y avait différentes sources. Elles donnaient des résultats qui variaient considérablement.

Connaître son eau
Connaître son eau, source dite “des yeux”, à Mamiña, elle aurait redonné la vue à une princesse Inca

5. Connaître ses désirs

Il faut aussi savoir ce que l’on veut, certaines couleurs très chatoyantes (parfois très luxueuses, comme le safran ou le carthame) peuvent être très fugitives. Ne parlons pas de la fameuse betterave rouge qui n’est qu’un leurre.

Certaines teintures très économiques peuvent être très intéressantes. Par exemple, les épluchures d’oignons peuvent donner des résultats surprenants.

Connaître les oignons
Connaître les oignons, teinture aux épuchures, à Santa Fe, La Esquina Encendida, Argentine

Des règlements sont apparus très tôt dans l’histoire de la teinture concernant les grands et petits teints.

D’autre part, si on veut obtenir une couleur très précise, il faut s’attendre à devoir faire de nombreux essais. Parfois, on complète les bains. On ne doit pas hésiter à les répéter, prendre note de toutes les étapes, garder tous les échantillons en mentionnant comment ils ont été obtenus. Puis, on doit répéter des tests avec différents mordants à différentes dilutions… Cela a un coût en temps et en connaissance. Est-on disposé à le payer?

Les deux derniers livres de Dominique Cardon sur des nuanciers d’avant la Révolution Française peuvent être très utiles.

En ce qui concerne les gammes de dégradés, avec et sans mordants, les DVD de Michel Garcia, peuvent être d’une aide très précieuse. Je les visionne très régulièrement, et j’y découvre à chaque fois de nouvelles astuces.

Conclusion

Outre ces connaissances basiques, il est bon d’avoir de bonnes bases de chimie, les anciens teinturiers étaient souvent assimilés à des alchimistes (ancêtres des chimistes modernes)…

Une bonne formation en chimie aide à prévoir les résultats, à comprendre les bains ratés. La chimie me passionne bien que je ne sois qu’autodidacte en ce domaine, mais elle explique beaucoup de chose.

Cependant, les teinturiers traditionnels qui ne connaissent pas la chimie, ont une très bonne connaissance pratique des plantes, des fibres et autres mordants qu’ils utilisent. Souvent, ils ne travaillent qu’une gamme restreinte de couleurs. Ils ont un sens de l’observation et de l’expérimentation très développé. En outre, ils ont aussi l’habitude de travailler avec ce qu’ils ont à leur disposition.

Il est remaquable que des civilisations très anciennes aient su teindre avec l’indigo qui nécessite des réactions redox, dont les mécanismes ne sont connus que depuis peu.

J’essaie de réunir les deux types de connaissances. C’est l’une des raisons de vouloir organiser mon tour du monde textile et teinturier. Il s’agit de multiplier les échanges et découvertes partagées comme je l’ai fait lors de mes récents voyages au Pérou et au Brésil.

 

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