Cochenille, cochenille, cochenille…

/// Cochenille, cochenille, cochenille… ///
Article du 12 août 2017, modifi´é le 27 avril 2024
Je suis revenue au Chili le 15 novembre 2024
Organisons donc des ateliers! C’est très facile, il suffit d’appeler au +33 7 69 905 352 ou au +56 9 764 449 78 (whatsapp, telegram et signal) – publicobre2000@yahoo.es

Nouveau site complémentaire en espagnol, pour découvrir de nouvelles expériences: www.lanitando.com

La cochenille est une de mes teintures naturelles préférées, la force de sa couleur peut donner l’impression qu’elle est artificielle. Cet article est un des premiers de ce blog et j’y reviens pour la seconde fois. Je viens d’avoir une conversation très intéressante avec un Tunisien qui était très préoccupé par le sort des figuiers de Barbarie de Tunisie. Cela m’a poussée à chambouler l’ordre des mises à jour de mes articles.

J’ai beaucoup d’expériences et d’informations nouvelles sur la cochenille, il était temps de les partager.

Cochenille, surprises assurées

Teinture à la cochenille, à Mamiña, nord du Chili
Teinture à la cochenille, à Mamiña, nord du Chili
Cochenille sous influence du fer
La cochenille sous influence du fer

Cochenille qui teint,
cochenille qui ne teint pas ?

Le terme cochenille désigne un certain nombre de parasites dont seule une infime minorité sert en teinture. Les petits insectes que vous pouvez trouver aux pieds de vos arbres fruitiers ne teignent généralement pas. Rien n’empêche de les tester, cependant.

Nous ne intéressons donc pas à la cochenille farineuse.

J’ai été très surprise de voir récemment sur internet des photos de coléoptères associées aux teintures-additif E120 utilisés en alimentation. Il y a certainement une erreur qui prête à confusion.

Ce ne sont pas des doriphores! Il est à noter que la cochenille n’attaque que les palettes (feuilles) et non les fruits du figuier de barbarie. Cependant, les fruits deviennent très amers.

Voici la vraie cochenille

Cochenille sauvage sur le site archéologique de Tumshukaiko, près de Huaraz au Pérou
Cochenille sauvage sur le site archéologique de Tumshukaiko, près de Huaraz au Pérou

Le colorant de base, l’acide carminique, des cochenilles sèches, entières ou moulues. Si vous voulez teindre avec de la cochenille fraîche, il faudra en utiliser plus.

Cochenille sèche prête à être moulue
Cochenille sèche prête à être moulue
Cochenille moulue, prête à l'emploi
Cochenille moulue, prête à l’emploi

Un peu d’histoire

Anciennement, il existait différentes espèces de cochenille servant en teinture, mais elles sont pratiquement toutes disparues ou sont en voie d’extinction :

  • Dans le sud de la France on élevait les vers de kermes, sur les chênes kermes, qui donnait un rouge très luxueux. Quand la cochenille mexicaine est arrivée en Europe, ce marché a été bousculé et a fini par disparaître. Donc, le vers de kermes n’a plus été multiplié et son support, une espèce de chêne, est aussi devenu très rare…
  • il existait aussi une cochenille polonaise et une cochenille d’Arménie, celle-ci vivait dans les racines de certaines plantes des marécages, elle sont aussi en voie de disparition, les marais étant asséchés pour l’agriculture…
  • on mentionne aussi parfois une espèce égyptienne utilisée dans l’Antiquité, mais les spécialistes en doutent encore…
  • en outre, il existe une autre sorte de parasites cultivés sur des arbres en Inde. Il donnent à la fois un colorant rouge (maintenant peu exploité, vue la concurrence des teintures chimiques) et un vernis le lacq qui est encore utilisé… je reprends de mémoire des informations beaucoup plus détaillées dans les livres de Dominique Cardon, mais que je n’ai pas sous la main.
Test d'Ikat teint à la laque dye, avec mon amie Solange, sur une laine jaune
Test d’Ikat teint à la laque dye, avec mon amie Solange, sur une laine jaune

Toutes ces teintures ont eu une très grande importance, le rouge et particulièrement ces rouges nobles étaient l’apanage des élytes, qui se protégeaient par des lois somptuaires, dès l’Antiquité.

Que reste-t-il ?

La teinture avec le tissage et les tanneries furent les premières industries à se développer et eurent une importance considérable dans l’histoire.

Il ne reste donc plus que la cochenille du nopal (nom mexicain du figuier de Barbarie, au Pérou et au Chili, on parle de Tuna) qui ait encore une certaine importance, mais plus dans le textile, essentiellement dans l’alimentation et les cosmétiques. Les colorants artificiels sont interdits dans l’alimentation en Europe. La garance n’a pas d’autorisation pour d’éventuels effets sur le coeur.

La cochenille seule, se maintient et son marché vient de subir récemment un regain d’intérêt qui a provoqué une flambée des prix.

D’où vient la cochenille ?

La cochenille (dactylo coccus) provient d’un petit insecte parasite du figuier de barbarie (opuntia) et de quelques autres cactus. On exploite la femelle quand elle est prête à pondre ses oeufs. Elle ne mesure pas plus de 3 mm. Celle-ci n’a pas d’ailes, et ne bouge pratiquement pas de l’endroit où elle est née.

Quand la larve naît elle s’accroche au nopal et commence à sucer sa sève. Quand elle est au stade adulte, c’est le mâle qui est beaucoup plus petit et qui a des ailes qui vient la féconder.

Elle vit cachée sous une couche d’une espèce de cire qu’elle produit pour se protéger. Dans la nature, c’est le vent qui les répandent en arrachant parfois des larves de leur feuille.

La cochenille d’élevage est de meilleure qualité, contient plus d’acide carminique, car leurs éleveurs les protègent au maximum et elles produisent moins de cire protectrice. Cette cire pose de petits problèmes lors de la teinture. Donc, moins il y en a, mieux c’est…

Palette de Nopal infectée de cochenille, photo prise à Chinchero près de Cuzco dans l'atelier d'un groupe d'artisanes qui travaillent selon les traditions anciennes du Pérou
Palette de Nopal infectée de cochenille, photo prise à Chinchero près de Cuzco dans l’atelier d’un groupe d’artisanes qui travaillent selon les traditions anciennes du Pérou

D’où vient la cochenille

Elle était à l’origine élevée au Mexique sur les figuiers de barbarie appelés Nopal localement. Le Nopal est une plante très importante au Mexique, non seulement pour la cochenille, mais il sert aussi d’aliment courant sous différentes formes et il est aussi médicinal. Un paysan de La Ligua (Chili) me disait que les vaches aiment bien brouter les Figuiers de Barbarie.

La cochenille est aussi médicinale dans le Nord de l’Argentine, où elle existe encore, mais est très rare. On l’utilise pour des affections respiratoires.

Les peuples originaires du Mexique ont très tôt vu des atouts dans ce petit parasite, qu’il se sont mis à élever pour la jolie teinture rouge carmin qui en est tirée.

Il y a un vocabulaire très ample en Nahuatl et dans les différentes langues indigènes d’Amérique Centrale concernant les variétés de ces insectes sauvages ou élevés, les peintures, les teintures obtenues…

Au Pérou et au Chili

Textiles precolombinos del Museo San Miguel de Azapa, Arica, Chile
Textiles precolombinos del Museo San Miguel de Azapa, Arica, Chile

Par la suite les Incas et certainement d’autres peuples précolombiens avant eux, ont collecté, puis élevé la cochenille, que l’on retrouve utilisée dans de nombreux et magnifiques textiles précolombiens.

Pagne précolombien, Museo San Miguel de Azapa, Arica, Chile

La qualité des couleurs des textiles des Indigènes surprirent les Espagnols quand ils arrivèrent en Amérique. Outre les richesses métalliques (or, argent, étain…), de nombreuses matières tinctoriales furent l’objet d’une exploitation à outrance provoquent des désastres économiques à leur arrivée en Europe (voir Dominique Cardon et Michel Pastoureau). La cochenille en faisait partie, mais aussi le Campeche, le Pau Brasil, le Quebracho…

Métier à tisser qui s’attache à la ceinture, avec sa chaîne montée, Museo San Miguel de Azapa, Arica, Chile

La cochenille aujourd’hui

J’aurais certainement l’occasion de vous donner plus de détails, quand je pourrais voyager au Mexique prochainement.

Lors de l’IFPECO de Madagascar, j’ai eu l’occasion de rencontrer un spécialiste de la cochenille. J’irai le visiter dès que possible.

Il y a quelques années, j’avais fait spécialement quelques jours à Moquegua, au Sud du Pérou, pour en acheter. Dans cette zone, la plupart des figuiers de Barbarie sont infestés. Cela se voit depuis le bus.

J’étais passée dans un bureau du Ministère de l’Agriculture, pour savoir où je pourrai en trouver. On m’a demandé combien de tonnes j’en voulais. On m’avait donné quelques adresses pour en acheter au détail.

La foto est un peu floue, je l'ai prise à partir du bus en mouvement, mais voici la cochenille dans la nature
La photo est un peu floue, je l’ai prise à partir du bus en mouvement, mais voici la cochenille dans la nature

Lors de ce voyage, en passant en bus à travers un petit village qui s’appelle La Joya (le bijou), j’ai vu des grands tas au bord de la route. Ce n’était pas des tas de sable, mais des tas de cochenille.

Pendant mon dernier voyage au Pérou, fin 2018-début 2019, j’ai voulu en racheter. J’avais  plusieurs adresses où en acheter, cette fois-ci, il n’en restait qu’une à Moquegua. À Arequipa, zone de production, je n’ai pas réussi à en acheter.

À La Joya, les tas avaient disparu.

Les prix avait beaucoup augmenté. Maintenant, ils exportent les figues de Barbarie, et pour cela, on ne peut plus laisser se développer les cochenilles, car elles rendent les fruits amers.

Belle couleur et problème écologique

En Europe, la cochenille a été introduite dans les Iles Canaries. Je viens de découvrir qu’elle était entrain de s’étendre maintenant à l’Andalousie et à grand partie du Maghreb où elle pose de sérieux problèmes. Mais, je ne sais pas s’il s’agit d’une espèce tinctoriale qui fait des ravages.

Pied de Nopal ataqué, semble-t-il, par la cochenille au Jardin Botanique de Málaga, Espagne
Pied de Nopal ataqué, semble-t-il, par la cochenille au Jardin Botanique de Málaga, Espagne

Par curiosité, j’ai gratté un peu,, pour mieux observer.

Je n'ai pas eu de grandes taches rouges, mais sans doute, ce sont des cochenilles qui ne sont pas encore mûres pour être récoltées
Je n’ai pas eu de grandes taches rouges, mais sans doute, ce sont des cochenilles qui ne sont pas encore mûres pour être récoltées

Dans ce très beau jardin botanique, il y avait toute une série de pieds de nopal de variétés différentes, seul ce pied-là était attaqué.

Je viens d’avoir la confirmation, lors de cette conversation téléphonique, du fait que ces parasites se développaient en Tunisie.

Ce ne serait pas la première fois, à Madagascar, une amie me racontait qu’en 1825 les Français, pendant la colonisation l’avait déjà introduite. Ils ont ainsi gravement accéléré ainsi la désertification, puis elle semble avoir disparue.

Je lisais aussi récemment la relation d’un problème semblable en Australie sur des surfaces encore plus importantes, où les figuiers de Barbarie s’était follement développées.

Comment utiliser la cochenille ?

Elle est généralement vendue sèche. Au Pérou, on peut la trouver fraîche. Mais, je ne l’ai pas testée ainsi.

Je les toujours achetées sèches, au Pérou, pour pouvoir leur faire passer la douane pour rentrer au Chili, et ce non sans difficultés. Bien que cela soit expressement autorisé par un texte du SAG, organisme qui prétendait se les approprier.

Au Chili, il y a eu quelques tentatives avortées d’élevage, notamment dans la région de la Serena, près d’Ovalle et près d’Iquique, dans le Grand Nord chilien, à La Huayca.

Là, on raconté l’histoire de quelqu’un qui avait planté 5000 pieds de Nopal, ou plutôt de Tuna comme on dit au Chili. Pour qu’ils prennent bien, on les avait accompagnés de crottes de chèvres et de mouton comme engrais. Peu de temps après, il avaient 5000 pieds de Tamarugo, sorte d’acacia local, dont les troupeaux avaient mangé les graines. La région s’appelle la Pampa del Tamarugal, le Tamarugo comme tous les acacias a une racine pivotante qui peut plonger sous terre à plus de 40 mètres de profondeur.

Préparation

La plupart du temps, on la broie finement pour qu’elle donne plus de couleur. J’utilise habituellement un moulin à café électrique), on peut aussi utiliser un mortier. En cas d’absence de ces outils, on peut aussi faire comme mon ami M. Hilaire sur cette photo. Cela a très bien fonctionné. C’est minimaliste et efficace.

Préparation de la cochenille avec M. Hilaire à Madagascar
Préparation de la cochenille avec M. Hilaire à Madagascar

On peut aussi l’utiliser entière, on perd peut-être un peu de colorant. Mais la laine est plus facile à laver ensuite. En effet, les particules de cochenilles broyées ont tendance à s’accrocher aux poils de la laine et il faut beaucoup de rinçage pour les éliminer.

Pour éviter la perte de colorant, je laisse maintenant ma cochenille tremper à froid avec la laine, pendant plusieurs jours, avant de chauffer le bain.

Les couleurs

La cochenille peut donner une grande variété de couleurs allant du rose au gris, en passant par le violet, le rouge et l’orange, suivant la qualité de l’eau et le (ou les) mordant(s), plus ou moins foncé selon la proportion utilisée.

T-shirt teint la cochenille lors d'un cours près de Santa Fe, Argentine
T-shirt teint la cochenille lors d’un cours près de Santa Fe, Argentine, les irrégularités étaient voulues

La teinture à la cochenille est très sensible aux différentes traces de minéraux dans l’eau et au pH (acidité ou basicité de l’eau du bain).

Donc, il faut tout d’abord faire très attention l’eau et à la casserole que l’on va employer:

  • Si la casserole est en aluminium, elle participera au mordançage (mais attention, l’acide du bain finira par l’attaquer et la percer, cela m’est arrivé plusieurs fois, même sur de grandes casseroles). Il vaut donc mieux utiliser une casserole émaillée (sans défaut, sinon le fer entre en contact avec le bain et le modifie) ou une casserole en acier inoxidable, les casseroles en grès contiennent du fer, puisque l’argile est colorée par le fer. Les casseroles en cuivre modifient aussi la couleur.
  • L’idéal serait donc d’utiliser de l’eau déminéralisée, l’eau de puits, de rivière, de pluie et du robinet contiennent souvent du fer, de l’aluminium et beaucoup d’autres minéraux.
  • Quand j’étais à Mamiña, petit village thermal à 120 km à l’est d’Iquique (nord du Chili), j’ai essayé différentes sources avec la cochenille et j’ai ainsi obtenu des résultats différents. J’obtenais des couleurs beaucoup plus vives qu’à Puerto Montt.
  • Ne pas oublier le mordançage soit à l’alun ou mieux aux tanins, ce qui garantit la solidité de la couleur.
  • Comme pour toute teinture, il ne faut pas oublier de bien laver les fibres qui arrivent souvent de chez le fabricant avec toutes sortes d’apprêts, de graisses et autres empesages pour la présentation, mais aussi, souvent pour faciliter la filature. Ces produits peuvent nuire à la bonne teinture ou à sa solidité.
Sélection de teinture à la cochenille que j'ai obtenues lors de mes exp´´eriences à Gletterens, Suisse. Le rouge au milieu a été obtenu par teinture solaire, fibres d'alpaga filées au fuseau, avec un peu de vinaigre
Sélection de teinture à la cochenille que j’ai obtenues lors de mes exp´´eriences à Gletterens, Suisse. Le rouge au milieu a été obtenu par teinture solaire, fibres d’alpaga filées au fuseau, avec un peu de vinaigre

Processus

  • Faire tremper la veille, la cochenille dans le bain (de 5% à 20% du poids des fibres), éventuellement avec les fibres sèches mordancées, pour qu’elle dégage plus de teinture et qu’elle pénêtre mieux dans la fibre (surtout pour la laine).
  • Mettre à chauffer à feu doux pendant une ou deux heures.
  • Laisser refroidir, si possible jusqu’au lendemain (très important pour la laine).
  • Sortir du bain, faire sécher à l’ombre, puis rincer et laver. Ne pas s’étonner s’il sort du jus rose, il faut bien nettoyer les fibres des débris d’insectes qui peuvent s’être accrochés aux fibres. Faire sécher de nouveau à l’ombre.

Les modificateurs doivent donner :

  • Fer : violet
  • crème de tartre + rouge, + clair
  • cuivre : gris
  • vinaigre : orange
  • citron : orange ou élimine la teinture
  • j’ai fait des tests avec beaucoup d’autres modificateurs, à Santa Fe, en Argentine, et nous avons fait des fiches récapitulatives, curieusement, ils n’ont pas eu beaucoup d’effet. Nous n’avions pas travaillé avec de l’eau déminéralisée.
Tableau d'échantillons de teinture à la cochenille, avec différents mordants et modificateurs, présenté par Luciana Marrone à l'ISEND de Kuching, Sarawak, Bornéo, Malaisie, en 2012
Tableau d’échantillons de teinture à la cochenille, avec différents mordants et modificateurs, présenté par Luciana Marrone à l’ISEND de Kuching, Sarawak, Bornéo, Malaisie, en 2012

Que faire avec le reste du bain ?

Il peut rester de la couleur dans le bain. On peut l’utiliser de nouveau pour obtenir des couleurs de plus en plus claires, on peut avoir ainsi de très jolis roses et mauves pastel en dégradé.

On peut aussi en faire de la gouache ou de l’aquarelle. Je viens de suivre un cours à ce sujet en Argentine. Ce type de procédé peut servir avec pratiquement n’importe quel reste de teinture.

Malgré son coût, la cochenille peut être bien rentabilisée par les bains successifs pour épuiser le colorant.

Teinture solaire

À Gletterens, en Suisse, j’ai fait des tests de teinture solaire. J’ai donc essayé la cochenille.

Teinture solaire à Gletterens
Teinture solaire à Gletterens
Une semaine après, le rouge le plus foncé est dû à la cochenille
Une semaine après, le rouge le plus foncé est dû à la cochenille

Ecoprint

La cochenille est aussi intéressante en ecoprint, elle peut donner des résultats originaux.

Ecoprint à la cochenille d'une des élèves du cours précédent de Luciana Marrone, tout juste déroulé
Ecoprint à la cochenille d’une des élèves du cours précédent de Luciana Marrone, tout juste déroulé

Cochenille avec les enfants

On peut tenter une activité très ludique.

Il faut s’armer:

  • d’un marteau en caoutchouc, de ceux qu’utilisent les carreleurs
  • d’une toile de fibres naturelles (coton, lin, soie ou laine) mordancée préalablement à l’alun
  • fleurs, pétales, feuilles
  • cochenilles entières détrempées quelques jours à l’avance
  • 1 litre de vinaigre ou trempent des clous ou de la ferraille (soupe de clous)

Il faut étaler la toile sur une table. On dispose les feuilles et les pétales de fleurs sur une moitié de la toile, on sème des cochenilles entre les feuilles et les pétales. On plie la toile de manière à recouvrir les pétales et les feuilles.

Puis on martèle la toile avec le marteau.

Au premier plan, le marteau frappe et frappe, les feuilles apparaissent
Au premier plan, le marteau frappe et frappe, les feuilles apparaissent

Après avoir bien martelé, on ouvre la toile. On enlève les feuilles, les pétales et les cochenilles. Si les empreintes vous semblent un peu pâles, trempez la toile dans la soupe de clous. Les couleurs vont s’assombrirent, les taches laissées par les cochenilles deviendront violettes.

Résultat après le passage dans la soupe de clous
Résultat après le passage dans la soupe de clous

Peinture, aquarelle

Avec la cochenille, comme avec n’importe quelle teinture naturelle, on peut extraire les pigments pour en faire des peintures.

J’avais déjà vu et revu les DVD que Michel Garcia a filmé à ce sujet. Il se trouvait que Luciana Marrone, une autre spécialiste des teintures naturelles et notamment de la cochenille proposait un cours dans son atelier à Necochea.

Nous avons extrait les pigments d’un vieux bain de cochenille.

Pigment de cochenille en pâte et en poudre
Pigment de cochenille en pâte et en poudre

Pigments entrain de filtrer, l'eau ne doit plus contenir de colorants à la fin de l'opération
Pigments entrain de filtrer, l’eau ne doit plus contenir de colorants à la fin de l’opération

Une fois les pâtes de pigments prêtes, nous les avons testés.

Nous avons sérigraphié des t-shirts, fait des tests avec des tampons. J’ai aussi essayé de peindre sur un morceau de cuir.

Voyage au Mexique

Nous avons déjà vu que le Mexique a été le premier à élever, ou plutôt, éduquer la cochenille, comme on dit au Mexique, bien avant le Pérou. Il existe une plus grande variété au niveau génétique des cochenilles au Mexique qu’au Pérou.

Il n’y a apparemment pas de continuité dans l’éducation au niveau géographique. Cela supposerait une exportation mexicaine précolombienne.

Musée de la Cochenille à Oaxaca, Nocheztlicalli

Oaxaca est la principale région de production de la cochenille. Ce sera e but principal de mon voyage. Je nourris beaucoup d’espoir concernant la visite de ce musée.

J’espère pouvoir y voir ce que je n’ai pas vu encore, la culture et la récolte.

Au Mexique, il y a aussi de l’indigo

L’indigo est une teinture avec un procédé bien spécial pour obtenir du bleu. On l’extrait d’un certain nombre de plantes, selon les lieux.

Le climat du Mexique permet la culture de l’Indigo suffructosa, une plante tropicale dont les feuilles possède une grande proportion d’indigo.

Je pense que j’ai beaucoup à apprendre au Mexique sur cette teinture qui me passionne.


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Vive les tanins

// Vive les tanins ///
Article créé le 8 août 2017, dernière mise à jour le 25 octobre 2022
Je suis en Europe jusqu’au 11 novembre 2022, date de retour au Chili – Beaucoup de nouveautés
Organisons
donc des ateliers! C’est facile
+33 7 69 905 352 ou +56 9 764 449 78 (whatsapp, telegram et signal) – publicobre2000@yahoo.es
Plusieurs nouveaux articles sont en cours de rédaction et seront bientôt publiés.

Casseroles avec noix tombées avant maturité et noyaux d'avocats, bourrés de tanins
Casseroles avec noix tombées avant maturité et noyaux d’avocats, bourrés de tanins

Des tanins, en veux-tu, en voilà

Des tanins, il y en a différentes sortes, des très clairs, des jaunâtres, des rosâtres, des beiges, des marrons… Par chance, on peut en trouver partout.

Traditionnellement, les plus clairs sont les plus recherchés, ils peuvent remplacer les mordants chimiques (alun, sulfate d’aluminium, acétate d’aluminium).

Par exemple, celui des noix de galles (Quercus infectoria), qui proviennent de la réaction d’une sorte de chêne à la piqure d’une guêpe. Il y a des galles sur différentes espèces d’arbre (par exemple sur le faux pistachier), soit sur les feuilles, soit sur les brindilles.

Quelques noix de galles entières, il faudra les moudre pour les utiliser
Quelques noix de galles entières, il faudra les moudre pour les utiliser

L’arbre réagit à la piqûre en produisant des tanins pour lutter contre la larve de l’insecte. L’idéal est de récolter les galles avant que l’insecte adulte en sorte, elles sont ainsi encore plus chargées en tanins. Ces galles sont très légères, moulues, elles libèrent leurs tanins dans les bains de teinture ou de mordançage.

La collecte de ces galles étaient autrefois un complément de revenus important dans les zones infectées.

Petite expérience

Récemment, je suis allée chez une amie pour faire des ecoprint sur soie et un test d’ikat. L’alun avait mystérieusement disparu de la maison. Nous avons ramassé les écorces de grenades sous les grenadiers… Avec un peu de cochenille, nous avons obtenu de jolies couleurs cuivrées…

Ecoprint, fond d'écorces de grenades
Ecoprint, fond tanins d’écorces de grenades

On trouve aussi des tanins (ou tannins, les deux orthographes peuvent être utilisées), clairs dans les racines et les feuilles des rumex, dans beaucoup de fruits non mûrs (spécialement le kaki).

Laines teintes avec différents tanins
Laines teintes avec différents tanins

Où sont-ils encore, les tanins ?

On en trouve aussi :

  • dans les écorces de la plupart des arbres, plus que dans le bois (ne pas oublier qu’un arbre sans écorce, souffre et peux mourir), il faut donc profiter des écorces qui tombent toutes seules des eucalyptus qui donnent de très jolies couleurs, ou de celles d’arbres déjà abattus
  • les sciures, j’ai ainsi teint avec de la sciure de mélèze à Puerto Montt
  • les noyaux des fruits (j’ai par, exemple, essayé les noyaux de mangue, quand j’étais à Pica). Les noyaux d’avocats sont aussi réputés pour être indélibiles (ils servaient à marquer les chemises des enfants, avec une simple épingle),

Mais aussi…

  • l’écorce verte autour des coquilles de noix donne le fameux brou de noix, plus elle fermente, mieux c’est,
  • l’écorce de grenade dont on tirait les encres pour écrire,
  • les enveloppes des graines de tara, qui teint aussi en violet, dans le nord du Chili et au Pérou. Nous les avons testées à Pica, une femme du groupe en a profité pour les resemer et ainsi les multiplier,
  • le thé, le café (pensez à garder les déchets de ce que vous consommez, il reste toujours de quoi teindre), dans beaucoup de feuilles mortes (chêne, chataignier, noyer, marronier, platane…), dans les fougères…
  • les sources de tanins sont si nombreuses que j’en oublie la plupart…
pure laine de mouton chez Rincón de Angel, à Puerto Montt, sud du Chili, teinture naturelle, beaucoup de tanins
Pure laine de mouton chez Rincón de Angel, à Puerto Montt, sud du Chili, teinture naturelle, beaucoup de tanins

Pourquoi les utiliser ?

Ce qui est intéressant avec les tanins :

  • c’est qu’ils évitent d’utiliser les mordants chimiques,
  • ils permettent obtenir leurs couleurs propres qui sont intéressantes, même et surtout si elles peuvent paraître pâles,
  • ils permettaient une meilleure résistance des filets et des voiles de bâteaux au sel marin.
  • ils servent de filtre anti UV, ce qui rend plus solide la couleur au soleil,
  • ils se combinent facilement et fixent d’autres colorants naturels, sans les éclaircir comme le fait souvent l’alun,
  • ils réagissent avec les sels de fer en donnant des gris, voir presque noir, c’est ce qui les met en évidence, notamment dans les ecoprint,
  • leur effet peut être concentré par l’ajout de jus de citron jusqu’à obtenir un pH 4, cela peut éventuellement modifier un peu la couleur, comme avec la cochenille qui peut devenir un peu plus orangée.

Rencontre avec le fer

Cette réaction avec le fer est immédiate, elle peut être exploitée de manière très variée au niveau graphique. Plus la concentration en fer est importante, plus le résultat est sombre. Tous les peuples ont développé des trésors d’imagination pour l’utilisation des tanins.

Feutre teint à l'eucalyptus, pochoir au sulfate de fer
Feutre teint aux tanins d’eucalyptus, pochoir au sulfate de fer, Exposition à la Médiath`èque de Loches

Une aubaine pour les graphistes textiles…

Ceci était très utilisé dans les systèmes d’impression au XIXème siècle et l’est encore actuellement en Inde avec la technique de l’impression au tampon qui est très impressionante.

À Puerto Montt et dans le sud du Chili, les femmes utilisent encore des sources où il y a des boues ferrigineuses pour obscurcir leurs laines.

En Afrique, la technique du bogolan utilise aussi ces boues pour dessiner sur des toiles préalablement teintes avec des tanins.

Animation "Teinture au bogolan" avec les enfants au Festival Yelen à Baulmes, Suisse
Animation “Teinture au bogolan” avec les enfants au Festival Yelen à Baulmes, Suisse

Les tanins interviennent aussi dans les ecoprint qui mettent en évidence le déplacement des tanins à travers les nervures des feuilles, ce qui donne des dessins très délicats.

Les tanins sont bien mis en évidence par les mordants
Les tanins sont bien mis en évidence par les mordants

Attention !

Il est donc important, si l’on en veut pas que le fer interfère sur la couleur finale, d’utiliser des casseroles soit en acier inoxidable, aluminium ou émaillées (vérifier que l’émail n’est pas usé et ne laisse pas passer de fer qui modifierait le résultat). Une fois la réaction faite, il en me semble pas qu’elle puisse être réversible.

Mieux vaut essayer d’éviter d’abuser du fer qui abîme toutes les fibres en les rendant rêches et cassantes. Cela pose de véritables casse-têtes aux archéologues et aux restaurateurs textiles, même sur des textiles qui n’ont que deux siècles.

Certaines eaux contiennent aussi du fer, ce qui modifiera le résultat des teintures.

Il est à noter que les tanins, comme leur nom l’indique, servent aussi à tanner les peaux, là aussi les tanins les plus clairs sont les préférés, car ils altèrent moins la couleur du cuir.

Dans la boîte, on peut voir différents matériaux bourrés de tanins qui servent pour tannerles peaux, Musée d'Histoire de Lausanne, Suisse
Dans la boîte, on peut voir différents matériaux bourrés de tanins qui servent pour tannerles peaux, Musée d’Histoire de Lausanne, Suisse

Je viens de découvrir une video très intéressante sur les tanins. Je viens d’apprendre beaucoup de choses

Je viens juste de m’acheter le nouveau livre de Marc André Selosse: “Les goûts et les couleurs du monde“, chez Actes Sud. Il parle en détails des tanins, il est passionnant et facile à lire…

Il y a beaucoup à raconter sur les tanins, j’ajouterai certainement de nouvelles informations à la prochaine révision.

Je vous invite à laisser vos commentaires.

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Jaune, or, citron, canard

Emotions intenses, produites par le jaune de la
Emotions intenses, produites par  le jaune de la “sorona” plante invasive à Pica

Jaune, jaune, jaune…

Du jaune partout

Que de jaunes! Le jaune est là dans toutes les plantes, même dans les plantes à bleu. Cela peut d’ailleurs être un petit problème, car souvent il faudra l’éliminer.

Il faut éliminer le jaune pour obtenir le fameux rose de carthame ! (on peut le récupérer pour teindre).

Il provient des flavonoïdes, les mêmes qui sont bons pour la santé. Ils sont présents dans quasiment tous les végétaux, ce sont eux que mettent en évidence les feuilles mortes qui jaunissent… Feuilles de laitues, de murier (aussi bien du murier à soie, que de la ronce), de peuplier, de ginko-biloba, feuilles de rhubarbe… la liste est longue. Elles sont toutes bourrées de jaunes.

Il y a aussi beaucoup de jaunes dans les fleurs jaunes (tournesol, onagre, pissenlit, oeillets d’Inde, marguerite, camomille, verges d’or, genêts, bidens qu’utilisaient les Incas…), mais il y en a aussi dans les fleurs blanches (orties, sophora, vergerette du Canada…), dans les fleurs violettes (fuschia, bougainvillé, buddleya…).

En général, les jaunes ont besoin d’un mordant pour se réveler, habituellement c’est la pierre d’alun, qui en plus de fixer la teinture, augmente l’intensité des jaunes.

Ils sont donc la teinture la plus facile à obtenir. Mais, on a cependant cultivé de très grandes extensions de gaude (réséda) qui maintenant est très rare sauvage, et est encore cultivée par les passionnés de teintures qui la considère bien meilleure et plus douce.

Des jaunes de luxe, mais aussi alimentaires…

Il y a bien sûr le curcuma (une épice qui provient d’Inde, ce sont les racines d’une jolie plante, facile à cultiver, employée dans le curry et qui est source de grands bienfaits pour la santé) qui teint très vite, très simplement, sans mordant, mais sa stabilité laisse à désirer, le résultat sera modifié aussi bien par les bases que par les acides. Mais il est sans danger pour faire des expériences avec les enfants.

C’est une teinture substantive, de même que le luxueux safran (autre épice orientale qui provient des étamines d’une race bien précise de crocus, le croccus sativa à ne surtout pas confondre avec la colchique qui est très toxique), fort apprécié en teinture dans le passé, mais connu pour être “petit teint”. Il était utilisé pour la soie, pour des robes du soir…

Autre teinture substantive à base d’une épice, l’achiote (bixa orrellana), donne un joli jaune d’or, malheureusement aussi petit teint. Ce pigment utilisé en grandes quantités dans la cuisine équatorienne, riche en vitamine A, s’unit mieux avec les graisses qu’avec les fibres…

Le carthame libère aussi une teinture jaune avant la rose, d’habitude cette teinture jaune est jetée, mais certains l’utilise tout de même.

Comment obtenir des jaunes

On peut aussi obtenir des jaunes avec ou sans mordant d’alun avec les pelures d’oignons, si possible de vieux oignons à garder l’hiver, ce sont ceux qui concentrent le plus de pigments, si les oignons sont trop frais, on risque d’être déçu et de n’obtenir qu’un jaune pâle. Ces jaunes peuvent tirer sur l’ocre jusqu’au fauve, selon le temps de macération avant la teinture et le temps de cuisson. Important : il faut 3 kg d’épluchures d’oignons pour teindre un kilo de laine, sinon on obtient un jaune pâle. Il faut donc prévoir une très grande casserole.

Pour la grande majorité des plantes à jaune, il convient de mordancer les fibres à l’avance, de les mettre humides dans le bain froid avec les plantes (ainsi vous évitez le feutrage de la laine qui n’aime pas les choc thermiques), de faire macérer une nuit au mois. Il peut ètre utile de faire macérer les plantes dans un sac en toile légère, ou une maille à oignons, pour éviter que les débrits viennent s’accrocher au fibres. Puis faire chauffer à feu doux pendant deux ou trois heures.

Généralités

Si vous n’aviez pas encore mordancé vos fibres il est toujours temps d’ajouter un peu d’alun, vous allez voir comment le jaune monte, c’est impressionnant.

Après la cuisson, laisser refroidir toute la nuit (ainsi vous évitez le feutrage de la laine qui n’aime pas les chocs thermiques) et vous laisser les colorants pénétrer mieux les fibres.

Puis sortir du bain, faire sécher à l’ombre. Puis rincer, laver.

A partir d’une teinture en jaune on peut obtenir soit des verts olive, bronze… soit des gris, en ajoutant des sels (généralement sulfates ou acétates) de cuivre ou de fer. Il faut faire des tests, les plantes à jaune qui contiennent aussi des tanins vireront au gris avec le fer. Bien rincer et laver après ce post-mordançage. Si on ajoute du bicarbonate, de la chaux, de la lessive de cendre ou du sel, le jaune devient plus foncé et passe à l’ocre, moutarde et ne pas oublier de bien laver, la laine et toutes les fibres protéiniques n’aiment pas les produits basiques ou alcalins qui les attaquent.

Habituellement, je ne cherche pas du tout à obtenir des tons unis, lisses et parfaits, je préfère obtenir des variations de couleurs, je n’ai donc pas d’inconvénient à rajouter les modificateurs directement dans le bain, c’est aussi plus rapide et plus simple, il suffit de garder assez de liquide dans la casserole pour que le modificateur se mélange bien.

Si votre bain s’épuise à force de bouillir, il faut y rajouter de l’eau bouillante pour qu’il n’y ait pas de choc thermique.

Si vous voulez des couleurs très régulières, il faut préparer à coté de votre bain, une autre casserole avec de l’eau bouillante dans laquelle vous plongerez vos fibres teintes, pendant que vous ajoutez le mordant ou le modificateur, puis remettre les fibres dans le bain modifié.

Plus d’informations

Là aussi il faut faire des tests, garder des échantillons, prendre des notes…

Pour avoir des recettes plus précises, je vous recommande de lire les livres de la bibliographie présente sur ce site. Je serai aussi curieuse de connaître vos recettes préférées. C’est pourquoi je suis entrain de préparé un petit questionnaire de recettes.

J’attends avec impatience vos remarques, sans doute avez vous des livres à me conseiller…

Je tiens à vous préciser que je n’ai pas de formation en marketing et que bien sûr, je ne pense pas revendre les données ainsi collectées!

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Couleur où es-tu ?

/// Couleur oú es-tu? ///
J’ai mis à jour cet article le 6 Février 2020
Prochain retour en France du 25 février au 12 novembre
Organisons donc des ateliers! C’est facile

La couleur? Pourquoi une plante teint?

Couleur qui tache, ou couleur qui teint?

La couleur que nous cherchons… où est-elle donc cachée, c’est une histoire de chimie, de chimie organique. Cependant, la chimie de la couleur n’est qu’une des branches, très complexes.

Certaines plantes sont capables de produire plus de 20 colorants différents, comme c’est le cas de la garance.

Bien sûr, les plantes ne poussent pas pour donner de la couleur. Celle-ci est bien cachée dans des composants qui s’unissent avec facilité avec les fibres. Évidemment, il faut pour cela que les conditions soient favorables à la fixation de la couleur.

La couleur, c’est important

Cette couleur joue un rôle crucial dans la plante. Les molécules qui nous donne une couleur, ou le plus souvent plusieurs, ont un but.

D’ailleurs, ces molécules évoluent au cours de la vie de la plante. Cela explique que la couleur de teinture dépend aussi de la saison de récolte de la plante.

Elles servent à leur protection contre des agresseurs, d’avertissement pour leurs prédateurs. Ou bien, elles seront source d’attraction pour les pollinisateurs ou pour ceux qui dissimineront les graines.

Pratiquement presque toutes les plantes tachent. Mais il y en a beaucoup qui teignent. Certaines plantes ont besoin de se faire aider par des mordants, d’autres pas. Il y en aura aussi de très trompeuses et décevantes, telles la betterave rouge.

Un peu d’histoire

Chaque civilisation a choisi ses plantes à couleurs, parfois en les important de très loin.

L’indigo d’indigofera venait de tellement loin, passaient entre tant de mains, vu qu’il arrivait d’Extrême Orient. Ce n’est qu’au XVIIème siècle qu’il a été reconnu comme d’origine  végétal. Auparavant, il était souvent confondu avec le Lapis-Lazulis!

Normalement, on doit pouvoir obtenir un arc-en-ciel n’importe où dans le monde, mais depuis longtemps les plantes voyagent…

Autrefois, les plantes tinctoriales étaient aussi cultivées en Europe, en particulier dans le Sud de la France. Là, les trois couleurs de base occupaient de très grandes surfaces. Mais, il y a eu délocalisation… à la Renaissance.

La culture des couleurs est partie en Extrême-Orient ou en Amérique, d’où on a ramené l’indigo d’indigofera, la cochenille et toute sorte de bois exotiques (brésil, fustet…). Le monde de la couleur a été complètement bousculé. Dominique Cardon et Michel Pastoureau l’expliquent très bien dans leurs livres.

Puis, il y a eu disruption, vers 1870, avec les premières couleurs chimiques.

Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué?

Il y a eu de très belles recherches en chimie sur les couleurs, depuis peu avant la Révolution Française. Autant les chimistes que les teinturiers sont partis à la recherche d’améliorations techniques de la couleur.

Le problème est que certaines plantes ont été oubliées, des techniques discréditées (indigo à l’urine, par exemple), des traditions perdues…

C’est ainsi que Charles Darwin, passant à Chiloe vers 1830 vit les habitants échanger de l’indigo. Aujourd’hui, dans cette même zone, personne n’a été capable de me dire de quelle plante pouvait avoir été tirée cet indigo.

On a souvent préféré allez chercher la couleur à l’autre bout du monde. Alors que bien des fois, on pouvait la trouver dans des “mauvaises herbes”.

Où est donc la couleur ?

Ce n’est pas évident, aucune plante n’affiche qu’elle va pouvoir teindre en bleu, le bleu n’apparaît même pas en faisant bouillir comme la plupart des plantes. De plus selon les procédés, une même plante peut donner d’autres couleurs (voir l’arc en ciel de dégradés, dans un livre de Michel Garcia).

Livre de Michel Garcia, donne de nombreuses idées
Livre de Michel Garcia, donne de nombreuses idées

 

Il en est de même avec le rouge qui provient rarement de pétales rouges.

Je me rappelle d’avoir essayé de teindre avec pétales rouge foncé d’hibiscus que j’avais récoltés à Iquique. Quelle surprise, lors de teinture, une fois rentrée à Mamiña. Le bain a viré à un joli vert amande quand j’ai ajouté un peu d’alun comme postmordançage!

Feure à Mamiña
Feure à Mamiña, vert de pétales d’hibiscus

La garance cache sa magnifique couleur rouge dans ses racines, et pour cela, le pied doit avoir plus de cinq ans.

Garance en graine
Garance en graine

Les tanins

En général, les plantes produisent des pigments pour se défendre (comme c’est le cas des tanins). Plus une plante est attaquée par des ravageurs, plus elles en produisent. Les galles du chêne sont un exemple de concentré de tanins. Habituellement la présence de pigments n’est pas visible à l’oeil nu.

La couleur la plus visible des plantes, la chlorophylle, ne se conserve pas (même si elle tache), donc le vert n’est pas aussi courant en teintures naturelles. D’autres pigments peuvent teindre l’eau, mais n’adhèrent pas aux fibres, qui malgré tous les mordançages possibles, ne donneront qu’un jaune faible.

Pour en savoir plus sur les cachettes de la couleur, je vous invite à lire le remarquable livre de Marc André Selosse.

Les goûts et les couleurs du monde
Les goûts et les couleurs du monde

La couleur, un luxe?

Au Chili, il y a  un proverbe qui dit “el que quiere celeste, que le cueste” (celui qui veut du bleu, que cela lui coûte). Et même avec les teintures  chimiques, il est rare que les femmes teignent en bleu à Puerto Montt!

Quand on les interroge sur les plantes sur le bleu, elles ne parlent que de certaines baies… dont les résultats ne doivent pas être stables.

La couleur, un coût aussi pour la plante

Il faut savoir que la couleur a un coût élevé en énergie pour la plante, que ce soit pour la fleur dans le but d’attirer les pollinisateurs, ou dans sa composition interne pour se protéger.

Une plante attaquée par n’importe quel agresseur, détourne des ressources (toujours limitées) qui devraient aller vers sa croissance, vers la production de substances diverses pour sa protection. Certaines de ces substances teignent accessoirement…

Cela explique aussi qu’il faut compter, en général, 3 kg de plantes pour 1 kg de fibres à teindre.

Il convient donc de s’intéresser à la botanique, aux composants chimiques des plantes, cela nous renseignera sur les possibilités que peut offrir une plante.

Les plantes médicinales sont des concentrés de pigments, de colorants… bref de couleur. De plus, leur composition chimique est souvent mieux connue. Elles sont souvent bien documentées. Ce qui permet de se faire une idée de la couleur que l’on peut obtenir.

Un usage réglementé

C’est pourquoi partout dans le monde des plantes ont été sélectionnées par les artisans teinturiers, elles ont souvent été cultivées à cette fin, parfois sur de grandes extensions. Elles ont aussi, souvent, été choisies pour la solidité de leur couleurs.

Certaines plantes ont très vite été réservées à une élyte. Très tôt dans l’histoire, les plantes tinctoriales ont été répertoriées en grand et petit teints (dès le XIIème siècle, à Venise, par exemple – voir Michel Pastoureau).

Traditions à préserver

Face à ces connaissances écrites et bien documentées, chaque population a ses propres traditions locales, souvent orales qui dépendent des plantes dont elles disposent. Si ces populations sont déplacées, elles n’ont plus accès à la flore qu’elles connaissaient.

C’est ce que j’ai pu voir à Mamiña et à Pica, où les femmes Aymara savaient teindre avec leurs plantes, mais leurs plantes sont dans la haute cordillère et maintenant, elles vivent en basse cordillère. Les plantes ne sont plus les mêmes. Les couleurs ne sont plus les mêmes.

Ces traditions se perdent, il est important de les sauvegarder. La grande majorité de ces plantes en sont pas forcément décrites, les utilisateurs leur donnent des noms vulgaires qui peuvent représenter d’autres plantes un peu plus loin. Elles peuvent avoir une répartition géographique très limitée et peuvent être mises en danger par une surexploitation ou une dégradation de leur habitat.

Que faire ?

Il faut lire, s’informer, parler avec les personnes âgées, les gens de la campagne, parfois insister pour qu’ils cherchent dans leurs vieux souvenirs, souvent ils ont honte…Et puis maintenant, il y a internet et des formations

Puis il faut tester, tester et encore essayer. On peut obtenir de nombreuses jolies variantes avant d’arriver à la couleur rêvée. Bien retenir tous les  détails pour obtenir à nouveau quelque chose de ressemblant, demeure indispensable.

Nous avons tout sous la main

La nature nous donnent très facilement une grande variété de jaunes, de beiges, de marrons, de gris, de verdâtres, de verts olive, bronze… Mais la gamme est beaucoup plus étendue. Par exemple, la lampaya, plante médicinale de la haute cordillère des Andes, du Nord du Chili, peut donner un grenat profond.

En général, je préfère travailler avec les plantes courantes locales qui nous réservent souvent bien des surprises (je pense à cette “mauvaise herbe” très invasive qu’est la “sorona” dans le nord du Chili et dont les femmes de Pica ont découvert qu’elle pouvaient en tirer un très beau jaune). À titre exceptionnel, j’utilise des plantes cultivées tels l’indigo ou la garance que j’ai acquis en petites quantités lors de mes voyages (il en est de même de la cochenille qui n’est pas une plante).


Je tiens à vous préciser que je n’ai pas de formation en marketing et que bien sûr, je ne pense pas revendre les données ainsi collectées!

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