/// Instants précieux /// Article créé le 26 mai 2023 et modifié le 29 mars 2024 Retour au Chili le 15 novembre 2023 Organisons donc des ateliers! C’est facile +33 7 69 905 352 ou +56 9 764 449 78 (whatsapp, telegram et signal) – publicobre2000@yahoo.es Plusieurs nouveaux articles sont en cours de rédaction et seront bientôt publiés. Nouveau blog en espagnol: www.lanitando.com Nouvel article https://www.lanitando.com/2023/12/ sur le cours
J’aime ces instants précieux, difficiles à saisir… qui s’échappent à peine arrivés. Je vais tenter de partager les plus précieux d’entre eux.
Instants oiseaux
J’ai pensé à cet article en découvrant un rouge-queue, un matin, en ramassant des herbes pour une tisane. Il a été trop furtif pour que je le surprenne en photo.
Les colibris, plus brillants, sont encore plus rapides et restent hors de portée des appareils photos courants. Ils ne se laissent pas approcher. Le seul que j’ai pu apercevoir de près, je l’ai sauvé de la gueule d’un chat, il s’est tout de suite échappé…
Je ne pourrai vous partager qu’une vue sur une petite mésange très gourmande à Gletterens.
Ces moments s’envolent vite.
Instants papillons et abeilles
Les papillons sont difficiles à surprendre, même en les suivant.
Les abeilles sont plus faciles à photographier. Avec un peu de chance et de persévérance, on peut même faire le portrait d’une reine.
Pour saisir des instants papillons, je suis allée au Papiliorama, près de Kerzers, en Suisse.
Pendant que je photographiais un papillon qui se posait tranquillement sur un visiteur, un autre s’arrêta sur moi.
Instants lézards
Même des tâches ingrates, comme vider les toilettes sèches, peuvent être l’occasion de rencontrer des lézards.
Il m’est arrivé d’en réveiller un qui dormait dans mon pantalon. Je l’ai réveillé un peu brusquement quand je me suis habillée à 5 heure du matin, il devait être tout engourdi. C’était peut-être celui qui vivait dans une casserole pour teindre et surveillait ma laine.
D’autres lézards sont plus colorés…
Instants fleurs
Les fleurs restent plus tranquilles, seul le vent les balance à sa guise.
Maintenant, je ne sais plus quelle photo choisir.
Instants teintures
La teinture naturelle est une magie mouvante, les changements de couleurs sont immédiats et ne peuvent être saisis qu’en mode avant/après ajout d’un mordant ou d’un modificateur. Les plus surprenants sont les ajoûts d’alun en post-mordançage dans un bain de plante à jaune.
L’ajoût de crème de tartre à un bain de cochenille est ausssi fulgurant qu’impressionnant.
Comme ils sont importants, je suis toujours à leur recherche… Comprendre, c’est découvrir une réponse à une question.
Bizarrement, cela peut intervenir après une longue pratique. C’est ainsi que j’ai compris un jour après des années de filage de laine que de l’énergie s’accumulait dans mon fil.
En fin de compte, la qualité du fil obtenu dépend de la maîtrise de cette énergie. Depuis ce jour, mes fils ont changé.
Mauvais instants
Mêmes les mauvais instants sont bons à être analysés. Il ne faut pas toujours se fier aux apparences, ils sont souvent riches d’enseignements et il n’est pas possible de ne vivre que de bons moments, ces derniers n’ont de valeur, de même que les couleurs qu’en comparaison avec les autres.
Un conte oriental raconte qu’un personnage part en voyage avec deux papiers donnés par un sage qui cachent un conseil à ne lire que quand tout va très (peut-être trop) bien et l’autre à ne lire que quand tout va très mal. Les deux messages disaient: “Cela passera“.
Instants volés
Parfois, on a l’impression de voler du temps, de tourner en rond pour rien. Mais souvent, on vous vole le temps, avec des planifications spécieuses, des demandes de prévisions typiquement incalculables… quand il suffit d’indications claires et réalisables, dans la réalité.
Dois-je chercher une photo d’illustration?
Instants couleurs
Les changements de couleurs, dans le temps ou sur un même fil, me fascinent.
De même, des pelotes ou des écheveaux qui se jouxtent par hasard, attirent mon oeil et m’encouragent à les travailler ensemble. Ces combinaisons de couleurs anticipent souvent mes créations.
Instants curieux
Certaines remarques laissent parfois perplexe. Nous sommes tous des contradictions sur pattes. Pas d’illustration.
Instants voyages
En voyage, des prises de décision peuvent apporter beaucoup.
Ainsi, ma décision de visiter Kuelap. Je ne sais pas encore quand je pourrais retourner au Pérou.
Temps de lectures
Mais voilà, j’allais oublier les temps de lectures, ils sont primordiaux pour moi. Ils sont indispensables, avant les temps d’écriture.
Réflexions
Temps de comparaisons, regard en arrière, questionnements sur l’avenir, ces moments qui nécessitent un temps d’arrêt, permettent d’avancer. Ils doivent absolument être préservés.
Il y a aussi des moments où l’on que “No se puede pedir peras al olmo” – On ne peut pas demander des poires à l’orme...
On a l’impression parfois d’être catalogué un peu automatiquement en zéro et un, comme si on vivait en base 2, comme les ordinateurs. C’est plutôt dérangeant.
Instants décisions
Ils doivent suivre les réflexions, ils sont souvent brisures et sauts en avant, surprises et pas de côté…
Il y a longtemps déjà, il n’y avait plus de touristes à Mamiña, il me fallait une solution. J’ai fait un déménagement de près de 3.800 km.
C’était une grande décision, certainement bien prise.
Temps déchets
Temps perdus, parfois récupérés… attentes devant un ordinateur, dans une gare ou dans le lit. Les meilleures idées me viennent généralement quand je ne peux pas les appliquer, ni même les noter. Le temps passe et l’oubli fait son travail.
Temps d’informatique
Que de temps passé en attente de copie de fichiers, sauvegardes automatiques ou non, toujours nécessaires, recherches pas toujours fructueuses ou au contraire trop réussies.
Instants filés
Filer la laine, voici une longue série d’instants qui avance centimètre après centimètre. Un travail de patience et d’observation… Le regard peut vagabonder et découvrir…
Découvertes
Parfois, il suffit d’aller se ballader sur la colline en face, qui est encore un bien commun, avec Lucía qui la connaît comme sa poche. On y découvre des plantes pour tout, pour teindre, pour manger, pour des paniers, pour des outils… et sans doute beaucoup plus.
Partage
Découvrir n’est pas suffisant, alors, il faut aussi partager pendant qu’il est encore temps. Le temps court et les instants s’envolent comme les papillons.
En vrac – Conclusion
Il faut savoir vivre ces instants précieux, les découvrir, les apprécier.
Parfois, le recours au secours de la poésie est indispensable, surtout dans les moments difficiles et souvent absurdes. Elle est peut-être le meilleur moyen de lutter contre les injonctions contradictoires, si courantes par les temps qui courent…
Souvent, ces instants sont gratuits, il suffit de les saisir au vol. Ils valent mieux que tous les instants payants que nous offrent les publicités.
/// Blog Castellano /// Artículo creado el 25 de mayo de 2023 En Europa desde el 4 de mayo 2023 – Vuelta a Chile el 15 de noviembre 2023 – Muchas novedades 2 cursos en Chile en noviembre-diciembre 2023 – Pica et Codao Organicemos talleres! Es fácil +33 7 69 905 352 o +56 9 764 449 78 (whatsapp, telegram y signal) – publicobre2000@yahoo.es Estoy escribiendo varios artículos nuevos y serán publicados dentro de poco. Blog recién reorganizado Por fin, nuevo blog en castellano disponible: www.lanitando.com
Por fin, para mis amigos que hablan castellano
Al fin, escribo en castellano. Tengo informaciones importantes para mis amigos hispanohablantes, y especialmente de Chile.
Esperando la próxima creación de un sitio complementario a este en castellano: www.lanitando.com. Ya se solucionó con la ayuda de un amigo, unos problemas informáticos.
Luego, tengo que ponerme a escribir y esto necesita tiempo. Así, les ruego que sean un poco pacientes. Ya está la página principal y un artículo. Los otros seguirán…
Lo primero que tengo que anunciar es un curso en Noviembre o Diciembre 2023.
Se desarrollará en la casa y el jardín de mi amiga Lucía Fuentes, en Coado, cerca de Santa Cruz, 6a Región O’Higgins, Chile.
Por fin, no olvidé visitar el sitio de amigo Angel, de ahí vendrán las buenas lanas que teñiremos.
¿De qué les hablaré en castello?
En castellano, estos artículos serán distintos de los que publiqué en francés. Así que no serán simples traducciones.
Primero, los cursos, por supuesto
Los estoy preparando desde hace varios meses.
Las técnicas
Creo que lo están esperando.
Traigo de mis viajes bastante novedades y tengo muchas ganas de compartirselas. Pienso hacerlo con más detalles.
¿Acaso, conocen el anillado? ¿Le gustaría conocer esta técnica ancestral, desarrollada desde la prehistoria, un poco por todo el mundo?
Reflexiones
Nunca faltan y hay que desarrollarlas.
Viajes
Saco gran cantidad de fotos, visito museos, conozco gente nueva…
/// Besoin d’artisanat /// Article du 15 mai 2018, modifi´é le 30 mars 2024 Je suis revenue au Chili le 15 novembre 2024 Organisons donc des ateliers! C’est facile, il suffit d’appeler +33 7 69 905 352 ou +56 9 764 449 78 (whatsapp, telegram et signal) – publicobre2000@yahoo.es
Nouveau site complémentaire en espagnol, pour découvrir de nouvelles expériences: www.lanitando.com
A-t-on encore besoin d’artisanat?
Ces derniers temps donnent plutôt l’impression que l’on n’a plus besoin d’artisanat, et encore moins de qualité…
“L’été dernier (2017), j’ai vu des touristes très pressés. Ils ne prenaient pas le temps de voir les processus de production de la laine. C’était chez Rincón de Angel, visite gratuite de l’atelier à l’étage). Puis cet été, ils ne prenaient même pas le temps de faire le tour du local, quand ils entraient… Certainement que les fruits de mer et les saumons d’élevage sont plus importants…
Et pourtant, ce local est bien différent des autres… Pas de produits chinois…“
Cet article est ancien. Nous avons dû fermer ce grand local trop onéreux. Et, les produits chinois ont commencé à nous envahir pour pouvoir maintenir l’activité “laine“.
Besoin de luxe
Il est vrai que l’artisanat n’est pas un produit de première nécessité… La question du prix d’un vrai travail artisanal est aussi à prendre en compte. Mais tout le monde n’est pas dans la misère!
L’artisanat n’est que rarement un produit de marque, et créer une marque a un coût très élevé. J’ai assisté à un certain nombre de réunions pour le développement de l’artisanat. On nous disait que nous devions mettre des étiquettes (si possible bien multicolore, pour que cela coûte plus cher et soit moins efficace du point de vue de la visibilité). J’ai aussi eu une petite imprimerie artisanale, donc je sais de quoi je parle. D’autre part, nous devions laisser notre rôle créatif à des designers… En outre, les pièces ne devaient pas être unique!
J’ai vraiment eu l’impression d’avoir été infantilisée, d’autant plus que pour bien nous expliquer tout cela, ils ont utilisé des jeux!
Il y a tant de sollicitations
On aura ainsi tendance à faire passer un nouveau téléphone mobile avant quelques kilos de laine, ou un tricot fait main. Heureusement que tout le monde ne cède pas à la tentation…
Et il devient difficile de vendre quand on est minimaliste. Ceux qui ont les moyens, n’en voient pas le besoin; et ceux qui en ont besoin et qui savent apprécier l’artisanat, n’ont souvent pas les moyens…
Un bon tricot en laine ne se démode pas. S’il est bien traité, il peut durer des dizaines d’années. Certains cherchent même à les raccomoder quand ils arrivent en fin de vie… C’est toute la différence entre un produit de qualité et un produit jettable.
Un besoin passéiste?
A l’origine, l’artisanat n’était pas commercial, mais utilitaire. Il occupait des temps libres pour la fabrication des objets du quotidien, chaque famille devait être autonome ou presque. Les gens fonctionnaient beaucoup avec le troc. On se partageait les techniques entre voisins.
Puis les techniques s’améliorant, des surplus se sont créés, permettant aussi des spécialisations… Certains villages se sont spécialisés dans certains articles. On le voyait encore au Chili. Par exemple, il y avait La Ligua pour les tricots et ses “dulces” (petits gâteaux), Chimbarongo pour les balais, fromage de chèvre à Ovalle…
À Madagascar
Il m’a semblé voir le même genre de spécialisation à Madagascar. Lors du trajet entre Antananarivo et Antsirabé, il y a une ville spécialisée dans la fabrication de casseroles en recyclant les moteurs de voitures (Ambatolampy)…
Voici quelques photo prises depuis le taxi brousse entre Antananarivo et Antsirabé. C’est pourquoi elles sont parfois un peu floue ou décadrée…
Je n’ai malheureusement pas pu les photographier tous… il y en avait une grande variété.
Au Chili
Au Chili, il n’y a pas encore si longtemps, les jeunes femmes tissaient encore les couvertures pour leur future famille, à partir des laines qu’elles avaient filées… Les hommes se fabriquaient leurs outils… Le frère d’une amie à Maillen, une île en face de Puerto Montt, se construisait son bateau.
Une amie qui avait vécu un temps à Punta Arenas, me racontait qu’elle avait même dû apprendre à fabriquer son savon…
Maintenant, beaucoup de métiers à tisser se sont perdus quand les grands-mères sont mortes… et les techniques se perdent… A la ville, on considère toutes ces pratiques comme sales. L’odeur naturelle de la laine, quand elle ne rappelle pas de bons souvenirs, devient tout de suite puante… Une cliente qui prétendait être tisserande est partie un jour à cause de l’odeur de mouton de la laine. Heureusement, notre laine ne sent pas le plastique!
Et même à la campagne, on ne veut pas paraître paysan. Sentir le feu de bois, c’est très mal vu ici…
C’est sûr que maintenant, on trouve tout, tout fait, sur internet! Tout est prêt à être acheter pour être jeter et remplacé. L’artisanat ne peut pas entrer dans ce jeu.
Il faut se procurer les matières premières, les rendre utilisables, les travailler pour obtenir un objet unique, qui montre même l’état d’esprit de son créateur (par les couleurs, la qualité des finitions et des détails…).
Ou un besoin pour le futur?
J’ai récemment découvert, en suivant un Mooc, le philosophe Bernard Stiegler, grand spécialiste des technologies, qui se préoccupe pour la perte de connaissances provoquée par les nouvelles technologies qui bousculent toutes les données concernant le travail… Ils propose d’imaginer de nouvelles formes de travail… Cela pourrait être une occasion de se réapproprier les techniques artisanales.
Un retour du besoin d’un artisanat de qualité est-il en cours?
Il semblerait bien que oui…
Le travail de la laine revient comme une thérapie…
Je vois qu’aux Etats-Unis des spécialistes de la vannerie proposent des retraites, non pas purement spirituelles, mais de techniques de vannerie.
Nous pourrions en faire autant sur le thème de la teinture naturelle, de la filature, du tissage ou du tricot. Ces activités me procurent beaucoup de bonheur, autant le partager.
Parfois, un retour aux gestes traditionnels est souvent recherché, comme apportant de nouvelles racines perdues. Cela peut paraître un peu artificiel. Mais cela peut provoquer des questionnements et déboucher sur des changements radicaux.
Rien que le fait de pratiquer une technique lente, qui laisse du temps à la pensée, peut bouleverser un système de travail établi basé sur des automatismes.
Un besoin d’exclusivité
Par chance, il existe aussi un besoin d’exclusivité, d’avoir des vêtements ou des accessoires différents de ceux des voisins… Encore faut-il que ce désir respecte le travail de l’artisan, ce matin on m’a fait la remarque, en me montrant une veste en laine rustique, filée et tricotée à la main “Et, vous n’avez rien de plus économique?“… Tout travail mérite son salaire. Ces tricots ne sont pas virtuels! Rien ne tombe du ciel, et encore moins l’artisanat.
L’artisanat comme hobby
Il y a un regain d’intérêt pour l’artisanat comme loisir, pour la détente. Si tout le monde pense pouvoir faire le travail de l’artisan, parce qu’on a vu des tutoriel sur Internet, où tout paraît facile, il y a cependant beaucoup de détails cachés. Notamment, le temps nécessaire.
Il manque aussi des étapes cruciales. Seule la pratique, le temps dédié et l’approfondissement de ses connaissances permettent un bon résultat. On ne s’improvise pas artisan!
Vivre de l’artisanat
Alors, dans ces conditions, vivre de l’artisanat est difficile. Mais heureusement pas impossible, c’est pourquoi j’ai du mal à admettre des rabais sur mes travaux.
Et si on y prenait goût?
Il y a longtemps que j’y ai pris goût. J’ai même du mal à me cantonner dans mon domaine professionnel de la teinture et du tissage-tricot. Alors, je fais régulièrement des incursions d’autres domaines, papier, cuir, perles… mais aussi botanique, agriculture, puisque je vise à une certaine autonomie à moyen terme.
Je suis d’ailleurs en formation, mais aussi expérimentation continue, par la lecture, video, Mooc, visites de musées, voyages, conversation avec les clients… Je saute sur chaque occasion.
Besoin de travail bien fait
On apprécie aussi des produits de qualité, avec de bonnes finitions, des fibres naturelles, si possible des couleurs naturelles, une laine bien travaillée… J’admire sincèrement mes collègues artisans qui maintiennent des traditions dévoreuses de temps…
Celui qui sait faire de l’artisanat, peut en être fier. Il sait utiliser aussi bien sa tête que ses mains et parfois même ses pieds dans ses créations. Je pense à ces femmes au Népal qui filent en faisant passer les fibres entre leurs doigts de pied. Il y a aussi cet orfèvre nomade Africain qui façonne des bijoux en or, en utilisant son pied comme une enclume.
Enfin, l’artisan doit être précis dans ses gestes. Il doit avoir le sens de l’observation, savoir être patient… pour dompter ses matières premières. Donc, c’est tout un apprentissage quotidien auquel il prend plaisir. Cela devient pour lui un besoin que de créer…
Conclusion
Qu’attendons-nous pour sauver ces techniques qui se perdent et qui sans doute nous feront bientôt défaut?
Par exemple, la teinture à l’indigo était très pratiquée lors du passage de Charles Darwin à Chiloe, dans les années 1830. Un siècle après, un curé allemand qui entretenait de très bonnes relations avec les Mapuche et parlait courrament leur langue écrit un livre sur leurs plantes médicinales. À l’occasion, il signale les plantes qui sont aussi tinctoriales. Dans les dernières pages de son livre, il fait la remarque que pour le bleu, il a des doutes entre trois plantes… Actuellement, nos artisanes lainières n’ont plus de plantes à indigo à proposer.
Je suis très surprise par certaines questions posées sur Facebook. Alors, je constate qu’il y a fort à faire et cela démontre un certain intérêt.
Partons vite à la recherche des connaissances et techniques perdues. Il faut en profiter pendant qu’il en est encore temps, la pratiqueest aussi indispensable que la théorie… Cela ne peut pas être remplacé par des ordinateurs…
/// Chauffer le bain /// Article créé le 28 janvier 2018, mis à jour le 5 avril 2024 Retour au Chili le 15 novembre 2024 Organisons donc des ateliers! C’est facile +33 7 69 905 352 ou +56 9 764 449 78 (whatsapp, telegram et signal) – publicobre2000@yahoo.es Plusieurs nouveaux articles sont en cours de rédaction et seront bientôt publiés.
Nouveau site complémentaire en espagnol, pour découvrir de nouvelles expériences: www.lanitando.com
Voici un petit retour sur un article ancien qui est toujours d’actualité. Il mérite bien une bonne mise à jour. Je le compl`ete donc avec mes nouvelles découvertes, faites lors de mes récents voyages en Tunisie et en Suisse. Voici quelques ajouts…
Faut-il chauffer le bain de teinture?
Chauffer le bain, cela semble évident, mais ce n’est pas toujours indispensable, cela peut même être gênant, pour l’indigo.
Teindre, c’est extraire les colorants des matières végétales ou éventuellement animales pour les transférer aux textiles. Chauffer nécessite de l’énergie, cependant ce n’est pas la seule solution.
La fermentation
Certaines techniques de teintures (en général, très anciennes) sont basées sur la fermentation et non sur la décoction et le bouillon… Ce seraient en quelque sorte des teintures vivantes, puisque de nombreuses bactéries et enzymes doivent intervenir.
Par ailleurs, les techniques à base de décoctions sont plus rapides et semblent plus hygiéniques, mais ne sont pas forcément plus solides.
De plus, la fermentation peut permettre d’éviter l’usage de mordants.
De toutes manières, pour la majorité des teintures naturelles, il convient de les laisser tremperau moins une nuit avant de chauffer.
Techniques d’Anne Rieger
Dominique Cardon mentionne dans ses livres des techniques anciennes basées sur la fermentation et des bains alternés acides et basiques sans autres mordants que de la lessive de cendres, ce qui rend ce type de teinture d’autant plus économique et écologique.
Ces techniques sont sensées permettre d’obtenir d’autres gammes de couleurs, souvent différentes de celles que donnent les décoctions classiques (généralement avec mordants). Selon Martha Herba qui a poursuivi les travaux d’Anne Rieger, ces teintures devraient être plus solides. D’après elle, la tapisserie de la Dame à la Licorne et la tapisserie de Bayeux auraient été teintes selon ces méthodes, ce qui explique qu’elles aient encore tout leur éclat.
Mes essais
J’ai fait quelques essais peu concluants. Peut-être n’ai-je pas choisi les bonnes plantes. Il faut avoir du temps et pouvoir travailler à l’extérieur pour profiter du soleil et à cause des mauvaises odeurs dues à la fermentation, difficile à réaliser dans un local commercial.
D’abord, j’ai fait quelques tests quand je vivais à Longotoma avec du quintral du molle. Puis, j’ai réessayé, plus récemment, à Concón, avec de l’etscholzia qui ne m’a donné qu’un jaune pâle. Ce n’était peut-être pas la plante idéale.
Indigo
La plupart des cuves d’indigo se travaillent à froid ou plutôt à température ambiante. Même, certains bains d’indigo peuvent même utiliser des fruits pour remplacer le fructose. Quand, je ne trouvais pas de fructose, j’ai plusieurs fois utilisé du miel. Cela fonctionne très bien.
Pourpre “chilienne“
Un jour, j’ai fait un petit essai de teinture à la pourpre de “loco” et “locate” (coquillages très appréciés en gastronomie au Chili, ils sont assez souvent interdits de récolte).
Lors d’un séjour de quelques jours à Taltal, petit village côtier entre Chañaral et Antofagasta (Nord du Chili), des pêcheurs m’avaient ramassé une petite quantité de ces coquillages. Le temps était mauvais, ils n’avaient pas pu aller plus au large pour en ramener plus.
Les pêcheurs de “locos” se reconnaissent à leurs mains rouges pourpre, teintes lors du nettoyage des fruits de mer pour les préparer à la vente. Ils jettent malheureusement toute cette précieuse matière tinctoriale à la mer.
Le test pratique
Ils ont mangé les fruits de mer et j’ai gardé dans deux petites bouteilles d’eau les glandes hypobrachiales qui contiennent les pigments.
J’ai gardé ces bouteilles bien fermées et je me suis décidée à les ouvrir deux ou trois semaines après, lors de mon retour à Mamiña.
Heureusement que je vis avec le nez bouché et que j’ai ouvert la bouteille en plein air, la puanteur était insupportable. Je ne sais pas si ce n’était pas pire que la teinture aux baies de parqui.
J’ai mis quelques mèches de laine en toison à tremper dans les bouteilles, puis je les ai retirées, exposées au soleil, puis rincées. Elles étaient devenues mauves. Tout cela sans chauffer.
Je présente cette expérience dans ma présentation pour l’ISEND de Kuching, disponible sur internet (www.academia.edu, www.slideshare.net).
Il y a un groupe facebook spécialisé sur la pourpre. J’espère bien pouvoir en apprendre plus sur ce sujet lors de mon tour du mondetinctorial et textile.
Sur academia.edu, on trouve aussi beaucoup d’informations sur la pourpre, teinture très luxueuse de l’Antiquité.
La pourpre à Carthage, Tunisie
Je n’ai pas encore pu faire mon tour du monde tinctorial, mais je suis retournée en Europe. J’en ai profité pour aller en Tunisie en 2022 pour rencontrer le grand spécialiste qui m’a très gentillement reçue. Je vous invite à visiter songroupe facebook.
Orseilles et autres lichens
Dominique Cardon décrit en détail ces techniques, je ne les ai pas testées. Il s’agit de techniques de fermentation, en général avec ajout d’urine. On doit obtenir des tons de rose, malheureusement pas très solides. Mais, il faut d’abord trouver le bon lichen. Car tous les lichens ne servent pas pour des tons de rose. Il y a des groupes sur facebook spécialisés dans ce domaine qui montrent des résultats spectaculaires.
Fez, Maroc
On m’avait parlé des fosses à teindre de Fez. J’espérais trouver des teintures naturelles, mais il s’agit du travail du cuir. Je ne suis cependant pas convaincue de l’usage de teintures naturelles, malgré les informations données sur place, parfois un peu extravagantes. C’est tout de même très intéressant et pour le moins impressionnant.
Et le batik?
Quelqu’un m’a gentillement fait la remarque que j’avais oublié le batik. Et oui, le batik, quand on travaille à la cire d’abeilles, se teint à froid, vu que la cire fond à 62-63º C. Cependant, en général on doit faire bouillir, repasser avec du papier pour éliminer la cire.
Un essai
Nous avons fait un test avec mon ami Hilaire, à Madagascar, avec de la cire d’abeilles brute que nous avons achetée au marché d’Antsirabe et de la cochenille. Nous avons aspergé la soie avec des gouttes de cire fondue en essayant de faire un pochoir avec des feuilles de rosiers.
Puis, nous avons laissé tremper avec de la cochenille toute la nuit à froid. Le lendemain, nous avons fait bouillir l’écharpe dans de l’eau avec de l’alun pour fixer la teinture et éliminer la cire, la cochenille s’est bien fixée.
Mais la cire avait du mal à partir, j’étais déçue, car j’espèrais pouvoir la récupérer pour une autre fois. Nous avons du terminer avec le fer à repasser et du papier journal, puis des brouillons d’impression quand celui-ci vint à manquer, cela a dû utiliser beaucoup d’électricité.
Le résultat n’était pas tout à fait conforme à ce que l’on attendait. Les taches de cire sont restées un peu jaune. Ce n’était pas vilain. Mais, on ne voyait pas bien le pochoir. Mais la cochenille à très bien pris. Cette écharpe s’est vendu très rapidement, mais je ne crois pas qu’Hilaire recommencera cela. Il préfère l’ecoprint.
Et si on fait chauffer, comment?
On a l’embarras du choix…
Chauffer au feu de bois
Trou dans le sol
J’ai beaucoup utilisé cette technique, depuis Longotoma jusqu’à Mamiña, en passant par Santa Fe, Argentine.
Pratique, simple, économique et permet de faire chauffer plusieurs grandes casseroles à la fois si l’on a une grille assez résistante.
Le bois doit être une ressource renouvelable… J’utilise habituellement du bois mort, à Mamiña c’était du bois de récupération de construction. Enfin, j’ai même fait du troc pour récupérer un camion de déchets de construction d’une route. J’ai dû ensuite remonté tout ce bois jusqu’à ma cabane à mi hauteur de la colline… Mais j’avais enfin de quoi travailler… Il en est même resté beaucoup pour mes amis qui me prêtaient la cabane. Une partie de ce bois a aussi servi pour construire les cages de mes lapins angoras.
Cela permet de faire chauffer plusieurs casseroles à la fois.
Là, je ne pouvais pas faire un trou, j’utilisais le foyer prévu dans la reconstitution de maison du néolithique. Il était entouré de pierres, je les utilisées en rajoutant quelques une comme support pour mes casseroles.
Cette année, à Gletterens, j’avais une nouvelle casserole en terre, faite par mon amie Nora. C’est pas encore tout à fait néolithique, mais un peu moins anachronique que les casseroles récupérées à la déchetterie.
Cela faisait longtemps que je voulais tester les teintures dans une casserole en terre.
J’ai aussi adopté une nouvelle disposition des casseroles autour du foyer, que j’alimentais au centre.
A Rincón de Angel, nous avons acheté une cuisinière à bois, elles sont courantes dans la région, ici tout le monde se chauffe et cuisine avec.
Nous l’utilisions tous les jours pour cuisiner, j’en profitais pour mettre aussi une casserole de teinture naturelle. C’est très efficace car le bain se maintient chaud longtemps… J’ai donc beaucoup teint, tant que nous avions du bois…
Cela a deux inconvénients : cela brûle beaucoup de bois et cela fume quand c’est mal installé (ce qui était le cas). J’ai donc enfumé des tricots et des laines. J’ai eu beau les laver, la grisaille n’est pas partie.
Appareil acheté à Cuzco
A Cuzco, au marché, j’ai trouvé une petite structure en céramique très intéressante, elle était légère, pas chère, je n’étais pas très chargée pour une fois!
J’en ai profité, elle a fait le voyage entre mes jambes dans le bus, car elle était relativement fragile, par chance elle tenait dans mon sac, elle bien arrivée jusqu’à Mamiña où je l’ai beaucoup utilisée. Elle était très économique en bois, s’allumait facilement, je l’utilisais même pour préparer mon petit déjeûner…
Elle n’a malheureusement pas supporté le déménagement vers Puerto Montt et est arrivée en morceaux.
Lors de mon dernier voyage au Pérou, dans un marché, j’ai trouvé une version en tôle de cette “cuisinière“. J’étais très chargée lors de mon retour, je n’ai pas pu l’acheter. J’espère pouvoir en acheter une à la prochaine occasion.
Rocket stove, à Chinchero, Pérou
Avant d’acheter cet appareil en terre, je suis allée visiter le village de Chinchero, où de nombreux groupes de femmes teignent et tissent selon les traditions.
J’en ai profiter pour m’intéresser à leur méthode pour chauffer leurs bains de teintures, en voici une photo, elles en profitaient pour cuisiner aussi…
Au Brésil aussi, j’ai teint sur une “rocket stove“.
Fetapera malgache
Petite cuisinière très populaire à Madagascar, digne du film Ady Gasy de Lova Nantenaina (je vous le recommande vivement, disponible chez Latérite).
Lors de l’IFPECO à Antananarivo, nous avons fait presque toutes les démonstrations de teintures avec ces petites cuisinières, légères, économiques et économes, pur recyclage. Je les trouvé tellement sympathiques que je m’en suis achetée une que j’ai ramenée au Chili. Je l’ai utilisée à Concón où elle a fasciné mon ami Uldis.
Il y avait aussi de mini “rocket stoves“, intéressants mais trop lourds… pour mes bagages.
Chauffer au gaz
C’est plus courant, plus simple, mais pas forcément plus économique… Le gaz n’est pas une énergie renouvelable, sauf cas rare du biogaz.
Cuisinière industrielle
Pour le cours à Pica, les organisatrices avaient acheté deux cuisinières industrielles que nous appelons au Chili “fogón“. Elles sont basses et permettent de travailler facilement avec de très grandes casseroles.
Cela chauffe très vite, nous étions dehors, il y avait parfois du vent, j’ai trouvé cela assez dangereux. Et cela brûlait beaucoup de gaz, je n’ai pas compté combien de bidons…
Chez Rincón de Angel, nous utilisons aussi cela actuellement, il n’y a pas de vent dans le local, mais le feu ne peux presque pas se réguler et je préfère teindre avec une vieille cuisinière normale, le feu est plus petit donc moins violent avec la laine et c’est plus économique.
Cuisinière courante
Rien de plus banal.
Cuisine solaire
J’ai fait quelques essais à Longotoma…
A Concón, mon ami Uldis avait une cuisinière solaire parabolique, mais nous n’avons pas eu le temps de l’essayer. C’est vraiment dommage!
Teinture solaire à Gletterens
Chauffer à l’électricité
Si l’on n’a pas d’autres solutions ou si l’on ne paye pas l’électricité… Ce n’est pas toujours une énergie renouvelable, sa production provoque souvent des dégats et de la pollution.
Plaque électrique
Chez Couleur Garance, ils utilisent des plaques électriques pour les cours, elles sont facilement régulables.
Pour les cours, on teint souvent seulement des échantillons, on n’utilise donc pas d’aussi grandes casseroles que pour l’artisanat et la vente de laines.
Casserole à riz
A Iquique, je ne payais pas l’électricité, elle était comprise dans le loyer, j’avais acheté un cuiseur de riz tout rayé au marché aux puces pour à peine plus d’1 Euro, et il fonctionnait!
C’était un peu petit, mais j’ai pu faire quelque tests avec. Feuilles d’artichaudsrécupérées au marché, feuillage et fleurs de Bougainvilliers… furent mis à profit grâce à cette casserole.
Chauffer au Four a micro-ondes
J’avais vu une video dans le CD édité à la suite de l’ISEND à La Rochelle (France) auquel je n’ai pas pu participer, où ils estampaient du feutre en sérigraphie avec des encres naturelles et les fixaient au micro-ondes, j’ai donc cherché à m’en procurer un…
Iquique est une ville surprenante, sans TVA, c’est une zone franche. envahie de tout un tas de choses qui ne tiennent pas dans les maisons en général très petites, car cette ville n’a pas d’espace pour se développer.
Juste quelques jours avant de partir pour Mamiña, je me suis achetée un four à micro-ondes d’occasion, je l’ai assez souvent utilisé pour des tests pendant les premiers mois dans le kiosque de mon amie Raquel. Les contenants étaient encore plus petits et les échantillons se sont donc encore réduits, surtout des morceaux de ruban cardés pour feutrer. Les résultats étaient cependant intéressants.
Conclusion
Nous avons donc beaucoup de solutions… Il faut voir laquelle est la plus adaptée à sa situation, la plus économique et surtout la plus écologique…
J’aimerai faire des essais avec des fours et cuisinières solaires, la plupart des teintures n’ont pas besoin de bouillir… L’artisanat se combine mal avec l’urgence…
/// Les mordants, cela ne mord pas /// Article créé le 22 juillet 2017, mis à jour le 31 mars 2024 Retour au Chili le 15 novembre 2024 Organisons donc des ateliers! C’est facile +33 7 69 905 352 ou +56 9 764 449 78 (whatsapp, telegram et signal) – publicobre2000@yahoo.es Plusieurs nouveaux articles sont en cours de rédaction et seront bientôt publiés.
Nouveau site complémentaire en espagnol, pour découvrir de nouvelles expériences: www.lanitando.com
Que sont les mordants?
Les mordants sont des produits que l’on ajoute à la teinture, soit avant de teindre (prémordançage), pendant la teinture, ou après (postmordançage) pour assurer la solidité de la teinture.
En général, ce processus modifie la couleur. Cependant, il est souvent indispensable pour fixer la couleur en provocant des réactions chimiques qui unissent les colorants à la fibre.
L’emploi des mordants n’est cependant pas systématique.
Certaines plantes peuvent colorer sans teindre définitivement (betterave rouge, plantes à anthocyane…). Dans ce cas, les mordants ne sont d’aucun secours. Ces teintures peuvent servir en alimentaire ou en cosmétiques, mais certainement pas pour les textiles.
Un peu d’histoire des mordants
Des tablettes sumériennes, écrite en cunéiforme, mentionne déjà des recettes de teinture avec notamment l’emploi d’alun.
En outre, déjà au XIIIème siècle, à Gênes et à Venise, en Italie des règlements classifiaient les plantes tinctoriales et faisaient la distinction entre plantes grand teint et plantes petit teint.
Au XVIIIème siècle, de nombreux chercheurs teinturiers et chimistes de renom ont fait des recherches pour améliorer la solidité des teintures et innover en ce qui concerne les mordants. Ils ont préparé des nuanciers très détaillés avec des échantillons. Domique Cardon en parle dans ses livres. Elle vient d’en publier un nouveau.
Prémordançage
Le prémordançage consiste à faire bouillir quelques heures les fibres avec le mordant, avant de les mettre dans le bain de teinture, si possible encore humides. Cette pratique permet d’attirer les fines particules de colorants naturels vers l’intérieur de la fibre où elles se fixent solidement.
Cette étape est donc cruciale. Donc, elle ne doit pas être prise à la légère pour une bonne formation et un bon résultat. C’est un temps de travail que l’on ne peut pas éliminer pour faire un cours en 3 heures1, le rêve de beaucoup. Tout n’est heureusement pas instagramable!
Il ne faut pas oublier d’éviter les chocs thermiques pour les laines. En effet, si l’eau vient à manquer dans la casserole lors du mordançage ou de la teinture, il faut rajouter de l’eau bouillante.
Découvrons les différents mordants
Les mordants sont des sels minéraux qui modifient le pH du bain de teinture:
alun de potassium
sulfate de fer
sulfate de cuivre
crème de tartre
oxalate de titane
D’abord l’alun
L’alunest un sulfate double d’aluminium et de potassium. Cela ressemble vaguement à des cristaux de sel. Ce produit est très largement utilisé comme antifloculant dans la potabilisation de l’eau.
Il est connu comme désodorant, cependant je ne le conseillerai pas pour cet usage, vu que l’aluminium semble être impliqué dans de nombreuses maladies. Il était anciennement utilisé au Chili par les militaires pour faire baisser l’ardeur sexuelle de leurs recrues.
Pourquoi mordancer?
Le mordançage à l’alun est incontournable car il fait apparaître beaucoup de tons jaunes qui sinon resteraient cachés ou très pâles. Il est indispensable pour la cochenillequi ne se maintiendrait pas sans cela.
Si la couleur obtenue n’est pas à notre goût, il est toujours temps de faire un post-mordançage, en ajoutant un peu de mordant ou un modificateur à la fin de la teinture. En teinture naturelle, rien n’est définitif.
Michel Garcia fait de nombreuses démonstrations des gammes de couleurs que l’on peut obtenir grâce aux mordants, en faisant varier leurs proportions, en les mélangeant. Ses DVD sont passionnants. Je ne touche pas de commissions, mais ils méritent vraiment que je les recommande.
Nous avons appliqué ces techniques lors d’un atelier que j’ai dirigé à La Redonda, Santa Fe, Argentine.
Si la laine, la soie et les fibres protéiques ne donnent souvent pas l’impression que le mordançage soit nécessaire (au détriment de la solidité – c’est souvent très trompeur). Cependant, il devient absolument indispensable dans le cas des fibres cellulosiques (végétales) qui attrapent beaucoup moins facilement les couleurs. Sauf cas des tanins qui agissent comme des mordants.
Précautions
J’insiste sur le fait qu’il ne faut surtout pas oublier de laver soigneusement les fibres avant le mordançage. En outre, il faut aussi débouillir les fibres végétales, en les faisant bouillir assez longuement avec du savon. Puis bien rincer.
Il s’agit d’éliminer les graisses d’ensimage utilisées lors de la filature et aussi les différents apprêts et charges appliqués lors du tissage et de la mise en forme industriels de la toile. Lors de ces étapes sont souvent appliqués des huiles, sucres, amidons, plâtres, craie, azurants… soit pour faciliter le tissage, soit pour donner la tenue à la toile, ou pour la blanchir. Si ces ajoûts ne sont pas éliminés, ils attireront les mordants et les teintures et ces derniers partiront au fur et à mesure des lavages (parfois, même d`es le premier lavage) en emportant les colorants.
Éliminer cette étape nuirait gravement à la qualité et à la solidité de la teinture.
Un peu d’histoire
L’alun naturel a été exploité depuis la très haute antiquité, notamment en Egypte où des gisements naturel de minerai d’alun étaient exploités en plein désert (Voir Dominique Cardon). Il semblerait que la recherche du maintien de l’accès aux sources de l’alun (situées à l’époque en Orient) ait été une des raisons économiques des grandes croisades. Par la suite, on a découvert des gisements dans une zone volcanique près de Naples, en Italie. Cet alun s’appelait « l’alun du Pape« .
Le fer
Nous avons trois solutions: une rapide, une plus économique et une plus difficile d’accès pour ceux qui connaissent leur terroir.
Certaines eaux sont riches en fer, comme d’autres peuvent l’être en calcaire. Cela explique que certaines couleurs sortent plus vives à certains endroits. On trouve ici une des raisons de la recommandation d’utiliser, si possible, des eaux de pluie pour teindre.
Sulfate de fer
Le sulfate de fer s’achète en quincaillerie ou en jardinerie. On l’utilise notamment contre les limaces et les mousses. Ce sont des cristaux vert clair.
On doit en utiliser très peu, en principe moins de 3% du poids des fibres.
Il s’utilise le plus souvent en post-mordançage. Il obscurcit très rapidement les couleurs en les faisant virer généralement vers les gris et les verts bronze ou olive. La cochenille passe du rose-rouge au violet, elle est très sensible au fer.
Le changement de couleur est irréversible. Si l’on a des doutes, mieux vaut faire le test sur un échantillon.
Si l’on travaille avec un récipient en fer, le mordançage se fera automatiquement, mais peut-être irrégulièrement.
Cependant, il faut rincer abondamment les fibres après mordançage au fer, car le fer rend les fibres rêches et les fragilise. De nombreux textiles historiques mordancés au fer posent des casse-têtes aux archéologues et aux restaurateurs.
Dans les recettes anciennes, on l’appelle « couperose verte » ou « vitriol vert« . C’était très utilisé dans les encres pour les manuscrits.
Soupe de clous
La Soupe de Clous est une alternative un peu plus douce. Il s’agit en fait d’acétate de fer.
C’est très simple, on fait tremper de la ferraille, de vieux clous, dans du vinaigre (acide acétique) dans un récipient non fermé. La reáction dégage des petites bulles d’hydrogène. Après quelques jours, on récupère le jus pour mordancer.
Autre solution, plus douce, mais sans doute plus difficile à trouver, utiliser des boues de sources en forêt qui combinent des sels de fer et des tanins provenant des déchets des arbres.
Ces boues sont encore couramment utilisées par les femmes qui filent la laine dans le sud du Chili. En Afrique, elles sont indispensables aux bogolans.
Certaines eaux naturellement chargées en fer modifieront aussi les teintes obtenues.
Activité
Le cuivre
Encore un sulfate, celui-ci est encore toléré en agriculture, même bio. C’est l’un des composants de la fameuse bouillie bordelaise.
Le sulfate de cuivre s’utilise aussi comme anti-algue pour les piscines et pour des traitement du bois.
On peut donc l’acheter en quincaillerie ou en jardinerie.
Ce sont de très jolis cristaux bleu, qui perdent leur couleur quand on les dilue dans l’eau.
Comme tous les dérivés du cuivre, ce produit est toxique et de nombreux teinturiers ne veulent plus l’utiliser. D’ailleurs, selon mes expériences, il ne fonctionne pas toujours.
Si l’on travaille avec un récipient en cuivre, le mordançage se fera automatiquement comme pour le fer.
C’est plutôt un modificateur, car il verdit les jaunes, les beiges et grise la cochenille.
Dans les vieilles recettes, il est appelé « couperose bleue » ou « vitriol bleu« .
L’oxalate de titane
C’est la grande nouveauté!
Je l’ai découvert en regardant le troisième DVD de Michel Garcia. Il permet d’obtenir de très beaux orangés avec les tanins.
J’ai récemment eu l’occasion de le tester, c’est vraiment très beau. J’en suis très contente. Je vous le recommande chaudement.
La crème de tartre
La crème de tartre s’utilise en très petites quantités pour rectifier l’eau du bain qui peut être très calcaire (ce qui nuit à la teinture) et elle permet aussi d’empêcher l’alun de précipiter au fonds de la casserole et de cristaliser sur les fibres, ce qui les détériore.
En outre, la crème de tartre est inoffensive, elle était extraite des fonds de tonneaux de vin. Elle est actuellement utilisée en pâtisserie. Unie au bicarbonate, c’est l’un des composants de la levure chimique. Je l’achète dans les boutiques de produits pour pâtissiers.
S’utilise en très petites quantités, en particulier pour la cochenille.
Les autres mordants chimiques
Anciennement étaient abondamment utilisés aussi:
le bichromate de potassium pour le noir de bois de Campêche, notamment. C’est un produit photosensible, utilisé pour les résines jaunes pour préparer les cadres de sérigraphie. Il faut donc garder les fibres mordanc´ees au chrome à l’abris de la lumière. Il rend les fibres rèches et cassantes. Le chrome est cancérigène.
le chlorure d’étain pour les rouges orangés de cochenille, il est très onéreux. Il servait anciennement pour la fabrication des miroirs. Primo Levi en parle dans l’une de ses nouvelles.
des sels d’arsenic, de plomb…
Tous ces produits sont bien sûr à bannir pour leur toxicité. D’ailleurs l’aluminium (de l’alun) et le cuivre ne sont pas sans danger. Le fer est à employer avec parcimonie car il rend les fibres rêches et elles se dégradent avec le temps.
Mordants naturels, mordant d’avenir
Les tanins
Ces mordants ne sont pas nécessaires avec les plantes qui contiennent des tanins, beaucoup de feuilles, d’écorces d’arbre, les fruits pas mûrs, les rumex, l’écorce de grenade, le brou de noix, les noix de galles, les pelures d’oignons…
Récemment, j’ai fait un test chez une amie, l’alun avait mystérieusement disparu, nous avons ramassé les écorces de grenades sous ses arbres et nous les avons utilisées comme source de tanins.
Certains parlent des épluchures de bananes. C’est assez économique, encore qu’il vaut mieux chercher des bananes bio quand on sait la quantité de pesticides utilisés dans la culture de ce fruit. Je n’ai pas de photo à vous montrer car je n’ai pas encore testé.
Plantes bioaccumulatrices
Il existe aussi des plantes à mordants, en général des plantes bioaccumulatrices qui récupèrent l’aluminium des sols: lycopodes (rare en Europe, lycopodium clavata, miconia argentea, qui poussent sur des sols acides), simplocos (feuilles), camélia (même le thé), le vinaigre de pommes est connu pour être plus chargé en aluminum…
À Puerto Montt, j’ai souvent teint au vinaigre de pommes, résultat de « chicha« , cidre qui avait viré… J’avais ramené plusieurs bonbonnes de 5 litres d’une visite chez une amie à l’île Maillen.
Il faut bien sûr utiliser une plus grande proportion de ces plantes (en général parties égales) pour obtenir l’équivalent d’un mordançage à l’alun. Mais, la solidité de la teinture est bien meilleure.
Celestina Stramigioli mentionne dans ses livres l’utilisation des cendres de certaines plantes notamment des cactus. Elle décrit les techniques anciennes encore utilisées par des femmes de zones très rurales d’Argentine où l’alun est rare et cher. Il est à noter que l’opération a une importance telle, que ces femmes ont inventé un terme spécifique pour cette opération.
Dans de nombreux endroits, notamment dans le sud du Chili, beaucoup de teinturières utilisent encore régulièrement des sources de boues qui contiennent sans doute du fer et d’autres minéraux (c’est une zone volcanique et les volcans relachent de grandes quantités de minéraux, des plus nobles aux plus dangereux).
Les modificateurs
Outre les cendres, de nombreuses traditions populaires utilisent le vinaigre, le jus de citron (qui peuvent renforcer l’action des tanins ou éclaircir les couleurs), l’amoniac, le bicarbonate, la soude, mais aussi l’urine, à mon avis ce sont plutôt des modificateurs et nous les avons testés, lors des deux ateliers à Santa Fe, Argentine, puis plus en détail, lors de la formation à Pica (Chili) où j’ai préparé une série de fiches qui m’ont été très utiles par la suite.
Les plantes qui ne nécessitent pas de mordants
Dans beaucoup d’endroit où l’alun n’est pas disponible ou trop cher, on a recours à des mélanges de plantes qui apportent soit des tanins, soit des sels d’aluminium. Ces méthodes me paraissent plus écologiques. Elles nécessitent une bonne connaissance des plantes.
Un certain nombre de plantes (en général à tanins) ne nécessitent pas de mordants :
noyer (feuilles, brou, écorces…)
écorces d’arbre en général
sciures de bois
feuilles gallées ou attaquées par des insectes
peaux d’oignons, épluchures et noyaux d’avocats
glands, fruits d’aulnes
noyaux de fruits (pêches, mangues, abricots, avocats…), coquilles de noix, noisettes, amandes, bogues de châtaignes et de marrons…
rumex
feuilles de chênes, chataigniers, marroniers, avocatiers…
Plantes à teinture substantive
Il existe quelques teintures dites “substantives” qui ne contiennent pas de tanins mais ne nécessitent pas de mordants.
Par exemple: le curcuma. Il n’est malheureusement pas stable à la lumière, ni aux acides et aux produits alcalins. C’est un cas typique de “petit teint“.
Indigo
La teinture à l’indigo est un procédé bien spécial et ne necessite pas de mordants.
Si l’on veut combiner un bain d’indigo avec un bain de jaune, pour obtenir un vert franc, on doit cependant mordancer le bain de jaune pour qu’il se fixe correctement. Il en est de même pour les combinaison avec des bains de rouge de garance ou de cochenille.
Solidité
Pour vérifier la solidité d’une teinture à la lumière:
Enrouler un morceau de fil teint (en faisant plusieurs tours) sur un carton,
En protéger la moitié avec un morceau de carton noir, bien fixé,
Exposer au soleil plusieurs jours, si possible un mois, ou à une lumière à rayons ultraviolets pendant quelques heures,
A la fin de l’expérience, défaire la protection et comparer les résultats
Conclusion
Le mordançage est donc un processus très important dans la teinture, bien qu’il ne semble pas toujours visible. Tous les bons livres de teintures naturelles y consacrent de nombreuses pages avant de présenter les recettes, il ne faut donc surtout pas négliger cette étape.
Il ne faut donc pas oublier que toute bonne formation en teintures naturelles doit donner une grande importance à cette étape indispensable bien que peu visible.
Je ne donne pas ce genre de cours, trop superficiel et trompeur. Mes cours doivent comprendre au moins 5 jours pour bien explorer tous les détails qui permettent d’obtenir de bonnes teintures.↩︎